Sirima : le destin hors du commun d’une étoile musicale

Essais

En 1987, la France découvre une jeune femme de 23 ans d’origine sri lankaise qui incarne avec force et sensibilité la voix féminine du nouveau titre de Jean-Jacques Goldman, “Là-bas”. L’interprète est encore inconnue, mais le public se prend de passion pour l’aventure de la jeune fille, qui rencontre un succès fulgurant après avoir chanté pendant quelques années dans le métro. Les gens aiment les contes de fées. Celui-ci se termine en drame. Sirima est en effet assassinée deux ans plus tard par un conjoint jaloux qui ne supportait pas sa notoriété soudaine. Plongeons ensemble aujourd’hui dans la fascinante histoire de Sirima, une chanteuse au talent inné, que le destin a rendue immortelle.

Une petite enfance entre deux continents

Naissance en Angleterre

Sirima Nicole Wiratunga naît le 14 février 1964 à Isleworth, dans la banlieue de Londres. Sa mère, Édith Navaratne, est française, son père Charles Ranjit est lui sri lankais. Sirima signifie “douce maman” en cinghalais. Un prénom qui va comme un gant à la petite fille timide qui bénéficie de deux cultures, occidentale et orientale.

Sirima grandit dans le comté du Middlesex auprès de sa sœur aînée Surani qui a 15 mois de plus qu’elle. Lorsque ses parents accueillent son petit frère, Alain, en 1965, la famille ne tarde pas à partir vivre à Ceylan, la patrie originelle du patriarche.

Un premier déracinement de l’Angleterre à Ceylan

De sa petite enfance britannique, Sirima a peu de souvenirs, elle était si jeune que le départ pour Ceylan ne paraît pas la déstabiliser. Cependant, elle comprendra plus tard que ce premier déracinement lui permet inconsciemment de réaliser combien sont différentes les cultures de sa mère et de son père. La vie en Asie est presque opposée à ce qu’elle a connu, mais très riche en apprentissages et en curiosités intellectuelles.

Des influences musicales pour la vie

Lorsque Sirima parlait de cette période de sa vie, c’est toujours vers la musique qu’elle se dirigeait. Ses premiers souvenirs sont ceux des sons des instruments de son père et de son oncle, des accords de guitare, des notes de flûte à bec, des percussions souvent présentes dans les fêtes bouddhistes. Les lieux de cultes sont aussi ancrés dans sa mémoire, que ce soit les temples et leurs tapis de fleurs parfumées ou le carrelage froid des églises catholiques que fréquente sa famille. Pour la petite fille qui vit au milieu de ce patchwork culturel, les chants et la musique sont des sources d’intérêt inépuisables, tout comme l’observation des danseurs de Jandy dans les rues de Gampaha. Ici encore, c’est le son des clochettes accrochées aux chevilles qui retiennent son attention et entrent dans ses souvenirs.

Une jeunesse en Angleterre entre adaptation culturelle et passion pour la musique

Une nouvelle vie en Europe

En 1972, ses parents divorcent et sa mère retourne s’installer en Angleterre avec ses enfants. Cette fois, Sirima a 8 ans et est assez grande pour ressentir entièrement ce nouveau déracinement, ce changement frontal de mode de vie. Il lui faut réapprendre à vivre à l’occidentale, avec des souvenirs de musique exotique et joyeuse pleins la tête. Sirima étudie le français et la musique. Cette dernière reste son point d’ancrage, son fil d’Ariane, celui qui la suivra toute son existence.

Les débuts d’une vraie passion pour la musique

Après le divorce de ses parents, Sirima se réfugie dans la musique, elle cherche à retrouver les sons familiers de son enfance et découvre la pop music anglaise. Sirima continue à construire sa culture musicale, toujours double, grâce à ses origines.

Ses influences se diversifient en grandissant, la jeune fille accroche des posters de ses premières idoles aux murs de sa chambre. C’est vers la langue anglaise que vont ses préférences avec les hits de Paul Simon, de Joan Baez ou de Barbra Streisand. Ces stars américaines symbolisent la liberté, la modernité et la chanson à voix. Elle se passionne aussi pour les comédies musicales. Son style se précise.

Sirima apprend à jouer de la guitare et s’accompagne sur ses mélodies favorites. Elle forme alors un groupe folk au sein de l’église de son quartier avec ses deux sœurs Surani et Lynne-Marie. Une première expérience qui lui donne le goût de la représentation et du contact avec le public qui ne la quittera plus.

La violence des hommes qui l’entourent

Dans son livre “Goldman” paru en 2023 aux éditions du Seuil, Ivan Jablonka revient sur cette période de la vie de Sirima qui aurait été teintée de graves traumatismes. Si l’influence du divorce de ses parents marque n’importe quel enfant, l’historien insiste sur la violence que la future chanteuse a subie au cours de sa jeunesse.

Les témoignages de l’entourage de Sirima parlent de violences sexuelles dont la petite fille aurait été victime dès ses 8 ans. L’auteur du livre sur Jean-Jacques Goldman évoque ici l’inceste subi de la part de son père puis de son beau-père à partir de 12 ans. Ce seraient sa propre mère et son concubin qui en auraient parlé après son décès. Difficile de connaître la réalité de ces accusations, car peu de preuves existent aujourd’hui. Cependant, le travail d’investigation de Jablonka semble suffisant pour pointer ces traumatismes du doigt, quand bien même ils n’ont jamais pu être punis par la justice.

Le père de Sirima est décrit par la mère de Sirima comme violent et volage. Ceci est peut-être la cause de leur séparation. En tous les cas, la petite fille, tout comme son frère et ses sœurs, a été confrontée toute jeune à une image de domination patriarcale déviant vers l’agressivité. Si la deuxième figure masculine de sa vie, à savoir son beau-père, épousé par sa mère trois ans après son divorce, était également quelqu’un de violent, il est logique que sa vision des hommes ait été biaisée. C’est un point probablement essentiel à souligner pour comprendre la suite de l’histoire de Sirima.

Passage à l’âge adulte et émancipation

Son arrivée en France à 18 ans

Dès sa majorité atteinte, Sirima traverse la manche et décide de déménager à Paris. La jeune fille, qui a appris le français près de sa mère, vient s’installer chez son grand-père breton qui vit dans la capitale. Cette précipitation vers le départ alors qu’elle a tout juste 18 ans corrobore l’hypothèse que Sirima souhaite fuir son milieu familial et la violence qui l’entoure. Une nouvelle figure masculine parvient peut-être à apaiser ses peurs, à l’âge des découvertes et des envies d’indépendance.

Sirima est déjà très mature, elle trouve un emploi de fille au pair et en profite pour améliorer son français. Très vite, elle commence à jouer dans le métro pour gagner un peu d’argent et surtout parce qu’elle adore chanter. Les passants prennent l’habitude de la rencontrer à la station Châtelet-Les-Halles, sur le quai, s’accompagnant à la guitare sur les tubes de ses chanteurs favoris.

Une jeune femme qui souhaite fonder sa propre famille

Sirima complète ses premières prestations dans le métro avec des représentations données à partir de 1995 dans un bar chinois. Elle intègre à cette occasion un collectif d’artistes de rue, dont un certain Kahatra Sasorith, guitariste et chef d’orchestre de nationalité laotienne.

La toute jeune chanteuse et le musicien de 16 ans son aîné se rapprochent et finissent par former un couple. Kahatra, surnommé Kat par son entourage, assure à Sirima qu’il quitte femme et enfants pour s’installer avec elle dans son studio du quai de Valmy dans le 10e arrondissement de Paris. En réalité, l’homme vivra un moment une double vie.

Sirima donne tout son temps à son compagnon, possessif et envahissant. Ils ne se quittent plus de la journée et vont jouer ensemble dans le métro. Évidemment, elle absorbe toute la lumière des quais de Châtelet-Les-Halles, pendant que Kat joue médiocrement de la guitare sans attirer l’attention.

Sirima s’accompagne à la guitare électrique reliée à un ampli, qu’elle trimballe dans un chariot de supermarché dans les couloirs du métro. Kat n’est jamais loin et garde toujours un œil sur elle. Un regard qui devient de plus en plus jaloux au fur et à mesure que l’intérêt des passants se concentre sur les performances vocales de la jeune femme. Sirima commence à avoir un public d’habitués, qui aime profiter de ses interprétations lumineuses avant d’aller au travail ou à la fin de la journée.

Sirima ou “douce maman” selon la signification de son prénom, parle déjà à 23 ans de fonder sa famille. Elle rêve d’avoir un enfant, malgré la précarité de sa situation financière et de celle de son compagnon. La jeune chanteuse a un mental d’acier, elle sait ce qu’elle désire dans la vie, elle n’a pas de doute sur son destin et a confiance en l’avenir de son couple.

Elle prend sur elle pour continuer à satisfaire les volontés de Kat, qui exige qu’elle soit toujours près de lui dans les couloirs du métro. Sirima semble prête à faire de grandes concessions pour obtenir ce qu’elle veut le plus dans la vie : fonder une famille, la sienne, choisie cette fois et vivre de la musique.

Ses débuts professionnels

Repérée par Philippe Delettrez

Les usagers du métro commencent à connaître la jeune femme qui joue de la guitare et chante avec une voix d’or sur les quais de leur station habituelle. Quelques professionnels tentent alors de l’approcher avec des promesses de contrats juteux. Sirima refuse à chaque fois, elle tient bien trop à sa liberté pour envisager de travailler en studio et risquer de perdre son style, ses goûts, sa personnalité. Elle préfère rester dans le métro, à ramasser les pièces que veulent bien lui donner les passants et que Kat réquisitionne aussitôt.

En 1986, elle est remarquée par un saxophoniste, compositeur et producteur, Philippe Delettrez. Les mots que le jeune homme a employés pour s’adresser à Sirima font la différence et cette rencontre va changer le cours de la vie de la chanteuse. Philippe est ébloui immédiatement par la voix et la personnalité de Sirima. Il vient l’entendre jouer plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il se décide à l’aborder pour lui parler musique et non contrat et argent.

Cette approche séduit Sirima, qui accepte de rejoindre le groupe de Philippe Delettrez en tant que choriste puis comme chanteuse. On peut dire qu’un véritable coup de foudre musical éclate entre les deux artistes, ainsi qu’une amitié indéfectible qui ira jusqu’au bout de l’aventure de Sirima.

Elle déclarera quelques mois plus tard “c’est le seul en qui j’ai eu confiance”. Faire confiance, c’est sans nul doute un énorme challenge pour la jeune femme, compte tenu de son passé et même de sa relation amoureuse, c’est dire l’importance de Philippe pour elle, qui devient son manager.

Le début des prestations professionnelles

Convaincu par le talent de Sirima qui est un diamant brut, autodidacte et libre, mais déjà certaine de la direction qu’elle veut donner à sa carrière naissante, Philippe Delettrez décide de la prendre sous son aile. Il la persuade de démarcher pour elle les maisons de disques.

En intégrant le groupe de Philippe, Sirima accepte de participer à son futur spectacle. Le projet est bien avancé, il convainc la jeune femme. Elle chante ainsi pour la première fois devant un vrai public qui s’est déplacé pour elle et ses compagnons de scène, ce qui est très distinct du passage éternel des travailleurs du matin dans les bouches de métro.

“Je crois que l’approche que j’ai eue avec elle était différente sans doute de beaucoup de gens. Beaucoup de professionnels se sont arrêtés effectivement sur son chemin. J’ai eu envie de lui parler musique, plutôt que de directement lui proposer une situation professionnelle, une exploitation, un disque… Enfin ce genre de choses.” (Philippe Delettrez)

À la suite de ces premières prestations professionnelles et du succès du spectacle auprès du public et de la critique, Sirima sera approchée pour faire la première partie de Paolo Conte au théâtre de la ville en 1985. Une vraie reconnaissance et l’intégration officielle de la jeune chanteuse dans le monde de la musique.

Une relation de couple qui se dégrade

Si la vie professionnelle de Sirima semble prendre un tournant plus qu’encourageant, ces bonnes nouvelles ne touchent pas son compagnon de la même manière. Kat reste un musicien de rue, plutôt médiocre, dont les performances stagnent sans grand succès.

Le guitariste ne voit pas la réussite de sa partenaire comme une bonne chose, mais plutôt comme une occasion de laisser éclater sa jalousie. Elle est sollicitée régulièrement, elle chante devant un public qui paie pour l’admirer. Lui disparaît dans l’ombre, rumine son envie et tente de rabaisser sa compagne à coups de remarques cinglantes. Heureusement pour Sirima, cette force de conviction ne parvient pas à faire chuter sa confiance en elle. On constate cependant qu’elle retourne chanter dans le métro avec son caddie jour après jour pour continuer à essayer de préserver un couple qui bat de l’aile.

La rencontre avec Jean-Jacques Goldman

Le début d’un conte de fées

Le milieu des musiciens et des saxophonistes professionnels en particulier est petit. Philippe Delettrez connaît bien Philippe de Lacroix-Herpin, alias “Prof Pinpin”, qui travaille auprès de Jean-Jacques Goldman dans les années 80. Ce dernier cherche une voix féminine pour l’accompagner sur un duo intitulé “Là-bas”. Il souhaite une personne inconnue du grand public et écoute inlassablement les centaines de cassettes que lui présentent les maisons de disques.

Goldman n’a pas de coup de cœur et demande à son entourage professionnel et amical de lui proposer des voix qui pourraient correspondre à ce qu’il recherche. Si les producteurs ne trouvent pas ce qu’il espère, il va étendre son investigation à des artistes plus confidentiels.

C’est là que Philippe Delettrez entend Pinpin parler de cette recherche infructueuse jusqu’alors. Il décide alors de provoquer le destin en préparant avec Sirima une démonstration et en l’adressant à Jean-Jacques Goldman.

Sirima déclare en riant en 1989: “On a écrit une lettre, Philippe et moi, envoyé une cassette et une photo, parce [que Jean-Jacques Goldman] voulait pas une fille très très belle, il voulait une mocheté. Et ça a marché, il voulait ça !”.

Bien sûr, Sirima est loin d’être laide, c’est une jolie jeune femme de 23 ans, pétillante, au doux sourire franc et avenant. Mais c’est sa voix qui va convaincre Goldman. Après des mois d’investigation, Jean-Jacques Goldman écoute la cassette de Philippe et découvre la voix de Sirima. Il reconnaît dans son timbre le talent et la sensibilité nécessaire à l’interprétation de sa chanson. Conquis par ce qu’il entend, il demande à Sirima de venir au studio pour un test.

“J’ai écouté la voix, c’était tout à fait le genre de voix que je cherchais. Je l’ai essayée comme j’en ai essayé d’autres. Un jour, je l’ai rencontrée près de Châtelet parce que c’était là qu’elle officiait dans le métro. On est allé dans un bistrot, et je me suis rendu compte tout de suite que non seulement c’était la voix, mais que c’était aussi le personnage. On a fait un essai en studio, qui s’est révélé concluant, et on a pris rendez-vous pour la séance d’enregistrement.” (Jean-Jacques Goldman)

Le talent qui crève les yeux et les oreilles

Après avoir auditionné des centaines de K7 de chanteuses, Jean-Jacques Goldman commence à perdre espoir. Il faut réunir du talent et de la sensibilité pour jouer correctement cette chanson.

La rencontre est racontée par les protagonistes présents ce jour-là. Les deux artistes qui allaient interpréter conjointement ce duo mythique étaient comme à leur habitude plutôt discrets et taiseux. C’est Goldman qui brise le silence pour inviter la jeune femme à faire un bout d’essai. C’est alors que Sirima découvre avec émotion la chanson qu’on lui propose d’incarner. Après des mois de recherche, Goldman est conquis par ce qu’il entend. Il confie alors Sirima au studio pour un test. Dès que Sirima entame les essais de voix sur le titre, Jean-Jacques Goldman pense immédiatement qu’il a enfin trouvé celle qui saura interpréter justement sa chanson.

“Sirima m’a séduit par sa voix douce et puissante à la fois.” (Jean-Jacques Goldman)

Philippe Delettrez racontera plus tard ce jour si particulier.

“Il y avait un côté miraculeux pour elle de se retrouver à côté de ce chanteur et dans ce studio, avec des gens qu’elle ne connaît pas. Ça devait être forcément intimidant. Je pense que cette timidité-là, cette réserve, elle a dû participer à la sensibilité de l’interprétation.”

Bernard Schmitt, le futur réalisateur du clip “Là-bas”, évoque bien des années plus tard le professionnalisme naturel de la jeune femme.

“Sirima avait une voix que les micros aimaient. Dans le micro, les ingénieurs du son disaient parfait, ne bougez rien.”

Une chanson sur l’exil qui tombe du ciel

Si la voix claire et forte de Sirima est un atout indéniable pour interpréter le duo, c’est sans doute encore davantage la personnalité de Sirima qui a séduit Goldman et son entourage. Sans le savoir, il propose à la jeune femme une chanson sur un thème qui ne peut qu’émouvoir la chanteuse. Les sentiments qu’elle ressent devant les sujets traités par le titre, l’exil, le déracinement, la fuite, le besoin de liberté et de pouvoir saisir sa chance sont bien entendu une composante essentielle de la réussite de cette performance.

Philippe Delettrez déclare :

“Le texte la touche évidemment, ça parle de l’exil et de quelque chose qu’elle connaît assez bien.”

Avec “Là-bas”, Goldman souhaite poursuivre le cycle de l’exil qu’il a commencé avec “Brouillard” (1981) et “Long is the road” (1984). De l’histoire de la famille Goldman à l’héritage du judaïsme et des migrations du peuple juif, Goldman a explicité plusieurs fois dans son œuvre sa pensée vis-à-vis du déracinement et de la quête d’identité.

Sirima a beaucoup voyagé, a vécu comme nous l’avons vu entre deux continents, deux cultures. On peut imaginer qu’elle est sensible à ce thème-là. Comme le personnage joué par Goldman, elle peut comprendre le besoin de tout plaquer, le désir de disparaître, le sacrifice du confort pour l’appel d’une nouvelle chance et le fait de repartir à zéro.

En tous les cas, quand elle pose sa voix à la fois douce et puissante sur les mots de Jean-Jacques Goldman et qu’elle lui répond, la magie opère.

Un succès inattendu et fulgurant

La fierté de la réussite après les doutes

Si pour Jean-Jacques Goldman et l’ensemble des techniciens du studio, le duo est parfait, Sirima, elle, doute. Elle n’est pas certaine de vouloir se lancer dans l’aventure. Philippe Delettrez explique ce recul : “Le problème de Sirima est plutôt de s’engager dans le monde du show-business et d’avoir peur de s’éloigner de la vraie musique. Et elle sait que ça peut entraîner beaucoup de jalousie autour d’elle.”

Elle hésite et finit par comprendre que ce duo est la chance de sa vie. Dix jours après ses essais, elle décide d’accepter et d’enregistrer ce morceau, devenu plus qu’un classique, un hymne à la liberté.

Sirima a 23 ans lorsque le single sort. Il rencontre immédiatement un énorme succès auprès du public. Dès sa parution, la chanson prend la tête du top 50. Elle y restera dans les premières places pendant 21 semaines. Le titre se vend à plus de 500 000 exemplaires et est sacré disque d’or. C’est un véritable conte de fées qui commence pour la jeune Sirima qui ne s’attendait pas à se retrouver si rapidement dans la lumière. Toute l’industrie estime que la jeune femme est sur le point d’entamer une longue carrière dans la chanson.

Sirima est considérée par Goldman comme une professionnelle “très perfectionniste, très exigeante et très douée”. La soudaine célébrité laisse pourtant la jeune femme indifférente. Elle est bien entendu fière du succès de cette chanson. Elle est reconnue dans la rue, on lui demande des autographes, elle est invitée dans des émissions de radio ou de télévision. Cependant, elle préfère rester discrète et continue même à aller chanter dans le métro avec sa guitare à la main.

Sirima poursuit sa vie simplement et est toujours très étonnée d’observer que des milliers de personnes vibrent chaque jour sur sa chanson sur les ondes ou dans les concerts. Elle se voit sur les écrans de télévision, dans les belles images du clip de "Là-bas" qui est en train de changer sa vie, sans que cela ne la transforme. Elle reste modeste, discrète et se tient le plus loin possible des paillettes et du star-système.

“La belle Orientale Sirima refusait qu’on la mette sur un piédestal. Elle aimait la musique et détestait le vedettariat”. (Ici Paris numéro 2319 du 13/12/1989)

Une amitié simple et sincère

Le clip de "Là-bas" est filmé en Espagne. Les deux chanteurs deviennent acteurs le temps de quelques jours. L’entente entre Sirima et Jean-Jacques Goldman est immédiate. Les deux chanteurs aiment rire et le tournage est agréable, chaleureux et drôle. Cette complicité naissante rassure Sirima qui découvre l’autre côté du métier. Une véritable amitié débute.

Sirima retrouve dans Goldman un mentor, mais aussi quelqu’un qui a la même humilité qu’elle malgré le succès. Ils ont la tête sur les épaules et n’apprécient pas l’exposition médiatique. Ce sont des perfectionnistes également tous les deux, ce qui les rapproche forcément.

Alors que le tournage du clip est sur le point de se terminer, Sirima découvre qu’elle est enceinte. Son rêve de fonder une famille et d’avoir un enfant est en train de se réaliser, tout comme ses espoirs de pouvoir vivre de la musique. Tout semble sourire à la jeune femme. Goldman et Sirima sont à la une du magazine “Top 50”. C’est commun pour Goldman, mais unique pour la future maman.

Ensuite, une tournée est préparée. Alors que Jean-Jacques Goldman part sur les routes avec les musiciens et l’ensemble de l’équipe, Sirima n’est présente que sur peu de dates. Elle souhaite travailler sur un projet personnel qui lui tient à cœur et peut-être ne pas s’éloigner de Kat qui reste son bourreau, possessif et agressif. Elle participe aux concerts de Paris, Lyon et Bruxelles. La complicité des deux chanteurs est visible par tous et elle prend plaisir à se produire devant un public conquis.

“Nous ne sommes pas très bavards tous les deux en fait, on se comprend sans beaucoup se parler.” (Sirima - Top 50 numéro 109)

Le fossé invisible entre son image publique et sa vie de famille

Pourtant, derrière les sourires de Sirima se cache une situation familiale bien plus compliquée. Si son fils Kym, né le 22 février 1988, 3 mois après la sortie du single “Là-bas”, fait d’elle une mère comblée, sa relation avec le père de son enfant devient de plus en plus explosive.

Un voisin témoigne dans le reportage de Pascale Thirode, "Elle s’appelait Sirima” : “On entendait du bruit et des cris dans leur appartement, mais, quand on la croisait, elle avait toujours le sourire.”

La jeune femme se retrouve seule à la maternité le jour de l’accouchement et à aucun moment du séjour de la maman et de son bébé, Kat ne viendra leur rendre visite. Elle déclare d’ailleurs son garçon sous son nom sur l’acte de naissance, ce qui tend à montrer que l’implication du père dans le début de vie de Kym est nulle. Celui-ci continue-t-il à profiter d’une double vie avec son ancienne épouse et ses enfants aînés ? Difficile de le confirmer, mais le doute est permis.

Le bonheur apparent de Sirima, qui enchaîne succès musical et maternité épanouissante, éclabousse Kat de médiocrité. Il ne supporte pas de passer au second plan dans une relation qui s’envenime et où la violence a une part de plus en plus importante.

La jalousie de Kat oblige Sirima à limiter sa participation aux concerts de la tournée de Jean-Jacques Goldman. Elle se présente quelques instants avant de monter sur scène, puis repart aussitôt la chanson terminée. Elle va même retrouver son compagnon dans les couloirs du métro en sortant du Zénith de Paris ou du Bataclan en mai et juin 1988 tout en retournant s’occuper de son bébé de quelques mois.

La jeune femme est surveillée en permanence par son compagnon et ses frères, qui lui interdisent de trop s’éloigner de Paris, même lors de la tournée dont elle aurait dû faire davantage partie.

Une personnalité à la fois forte et fragile

Une vraie opportunité de pouvoir mener à bien ses projets

Si Sirima rencontre le succès grâce à sa collaboration avec Jean-Jacques Goldman, elle décide de conserver son indépendance et décline plusieurs propositions de maisons de disque. Elle a précisément en tête ce qu’elle désire pour sa carrière et ne veut pas brûler les étapes au risque de se perdre. Sirima est consciente de son talent et attend de trouver l’occasion qui répondra à ses exigences.

Si “Là-bas” est un titre dont elle est fière, elle représente vraiment pour elle une opportunité de pouvoir mettre en avant sa personnalité artistique et de rester fidèle à son style. Elle est désormais connue du grand public, des maisons de disques et elle peut se permettre d’imposer ses choix et en particulier ses chansons, toutes écrites en anglais.

Sirima a sans doute besoin de faire face à son passé en extériorisant ses sentiments dans des compositions très personnelles et presque intimes. Pour elle, il est essentiel de garder la quintessence de sa créativité. Signer dans une maison de disque sera pour elle indissociable d’une grande liberté de ton, de musique et de style. Si on la veut dans son équipe, il faut la prendre entièrement, avec elle c’est tout ou rien.

Un souhait ferme de liberté et de contrôle de ses projets

Sirima refuse plusieurs propositions alléchantes qui ne lui laissent pas la liberté essentielle qu’elle désire le plus au monde. Elle ne cherche pas à plaire au public, elle veut faire de la musique, comme elle l’aime.

Elle fait confiance à peu de gens, principalement à Philippe Delettrez qui la garde sous son aile. Elle finit par signer dans une grande maison de disques, CBS, où elle obtient à peu près tout ce qu’elle exige. Les sonorités qu’elle souhaite, elle les aura, elle désire un orchestre, on met l’opéra symphonique d’Europe à sa disposition, puis celui de Paris quand ça ne lui convient pas. Elle frise parfois le culot dans ses desiderata et ses refus.

Le talent de la jeune femme et sa voix si originale lui donnent l’occasion de satisfaire son perfectionnisme, sa volonté de tout maîtriser et sa soif de liberté, même dans un studio.

L’emprise de son conjoint et les conséquences sur son début de carrière

En coulisse, son conjoint prend la main sur ses finances. Loin d’accepter le professionnalisme et le talent de Sirima, il s’octroie une partie de sa réussite alors qu’il n’y est absolument pour rien. Il déclare qu’il a composé ses chansons, qu’il mérite une part du succès de la jeune femme. Elle semble avoir peur de lui et de ses réactions. Selon la régisseuse de l’équipe de Jean-Jacques Goldman, au moment de ses concerts au Bataclan en 1988, Sirima n’a jamais d’argent sur elle. Les cuisiniers du groupe lui donnent même de la nourriture à emporter le soir.

Elle a essayé de lui faire une place sur son futur album. Il joue un peu de guitare sur un titre, mais son niveau paraît de plus en plus insuffisant au regard des exigences du show-biz. Kat se voit relégué au rang de musicien de rue alors que sa compagne, appréciée et considérée par toute l’industrie musicale, enregistre en grande pompe ses chansons dans un des plus célèbres studios de Paris. Cela lui est insupportable. Il devient agressif envers l’entourage amical et professionnel de Sirima.

Cependant, cette fois, Sirima résiste à cette emprise et va au bout de son projet artistique. Elle a compris que cette opportunité ne se présentera pas deux fois et qu’elle doit tenir coûte que coûte. Elle essaie d’être sur tous les fronts, familial et professionnel avec autant de présence d’un côté que de l’autre, mais cela ne suffit pas à Kat.

Celui-ci est issu d’un milieu aisé, son père était pharmacien et son oncle fut Premier ministre du Laos. Il a vécu une bonne scolarité et a profité d’un milieu social favorisé. Cependant, il ne parvient pas à rencontrer le succès et c’est sans doute là son premier échec. Ayant grandi dans un système patriarcal, il ne supporte pas l’idée que la femme réussisse sa carrière mieux que lui, l’homme du foyer.

La relation entre les deux musiciens devient violente, des bagarres éclatent régulièrement, en particulier la veille des concerts de Sirima. L’absence de consommation d’alcool et de drogue n’empêche pas Kat de lever la main sur sa compagne, ce qu’elle essaie de cacher chaque fois qu’elle se rend au studio ou sur scène. Elle est obligée de se lâcher les cheveux sur scène pour camoufler les ecchymoses que les coups ont laissées sur son visage.

Dans son désir de sincérité et d’authenticité, Sirima évoquera même ces tensions de plus en plus malsaines dans son premier album, notamment à travers la chanson Love isn’t enough. On peut y lire des paroles édifiantes.

Why does a man never see the good things that he has
Why does he always want more ?
If he could only see the love a heart is made up of
He wouldn't need those millions at all !

Traduction de Jean-Michel Fontaine :
Pourquoi est-ce qu’un homme ne se contente pas de ce qu’il a
Pourquoi est-ce qu’il veut toujours plus ?
S’il pouvait seulement voir tout l’amour dont un cœur est fait
Il n’aurait pas besoin de ces millions du tout !

Elle parle aussi très limpidement des violences dont elle est victime dans His way of loving me:

He doesn't mean it though he does it every time
He hits when he can't find the words
(...)
When the storm has blown over
The bruising's begun
He physically proves to me I'm his "only one"
I'm left wondering - am I wrong
To keep on believing that we belong?
My bones are aching, the tears still flow,
A voice keeps telling me I ought to know
It's just his way of loving me... His way...

Traduction de Jean-Michel Fontaine:
Il ne le fait pas exprès, bien qu’il le fasse à chaque fois
Il frappe quand il ne trouve pas les mots
(…)
Quand la tempête est passée
Que les bleus apparaissent
Il me prouve physiquement que je suis sa “seule et unique”
Et moi je suis là à me demander - est-ce que j’ai raison
De continuer à croire qu’on est faits l’un pour l’autre ?
Mes os me font mal, les larmes continuent à couler
Une voix persiste à me dire que je devrais le savoir
C’est juste sa manière de m’aimer… Sa manière…

Son premier album

Un album très personnel

Ces chansons intimistes nous choquent aujourd’hui, alors que tout le monde sait que Sirima était victime d’un compagnon violent qui la bat régulièrement. Il nous est difficile de supporter l’idée que ces paroles étaient de vrais appels au secours. Il faut alors se replacer dans le contexte de l’époque. La société n’est pas encore rentrée dans le combat pour le droit des femmes, notamment au sein du couple.

Dans son reportage "Elle s’appelait Sirima", Pascale Thirode exprime son sentiment sur ce paradoxe insupportable.

"Parce qu'elle chantait en anglais, les gens n'ont peut-être pas voulu traduire. Aujourd'hui, quand on voit les images de l'époque, ça crève les yeux. On voit qu'elle a compris qu'elle allait mourir. Mais dans son entourage, on n'a pas voulu voir. C'était un sujet tabou dans la société de cette époque."

Les violences conjugales se taisent, restent cachées dans le cocon familial. Sirima est jusqu’alors secrète, très peu d’informations sur sa vie personnelle ressortent dans les médias et le public la connaît peu finalement. Les musiciens, régisseurs, maquilleurs et tous les techniciens qui gravitent autour de Sirima durant l’enregistrement de ses chansons ne savent pas ce qui est réel ou non dans ses textes.

Ses confidences parviennent tout de même à toucher le public, notamment à travers une chanson d’amour adressée à son bébé de un an, intitulée sobrement "Kym". Sirima ouvre son cœur en grand pour déclarer à son fils son souhait d’être à ses côtés tout au long de la vie, elle et lui, seuls au monde. Elle parle de sa responsabilité vis-à-vis de lui et de sa volonté de lui apporter une existence paisible et heureuse. Tout cela nous serre le cœur aujourd’hui, alors que l’on est conscient du peu de temps dont Kym a disposé pour profiter de sa maman.

L’influence du passé de Sirima transparaît également dans ce premier album. Elle se sert de la musique pour tenter de faire la paix avec ses traumatismes d’enfance. Elle y affiche sa nostalgie, ses états d’âme et ses joies. Elle ne triche jamais et se livre en entier. Le public va ainsi faire vraiment connaissance avec la petite chanteuse de Là-bas. Avec sa voix unique, sa musicalité et cette sensibilité dans l’interprétation, elle est la seule à pouvoir magnifier les mots de sa vie.

Liste des chansons de l’album "A part of me" :

Un enregistrement exigeant

Sirima chante en anglais, c’est elle qui écrit toutes les paroles. Elle conçoit elle-même la pochette et imagine les scénarios des clips à venir. Philippe Delettrez compose certaines chansons plus rythmées et de grandes pointures telles que Manu Katché participent à l’album.

Sirima résume son style musical en toute modestie lors d’une interview en 1989.

“C’est de la soul music et c’est aussi funk, en tous les cas ça sonne plus anglais. C’est pas très français comme musique et à mon avis ça n’accrochera peut-être pas tout de suite.” (Sirima)

La jeune chanteuse est perfectionniste, elle a des exigences de pro, comme nous l’avons vu et elle est dans l’hyper contrôle, réalisant au maximum toutes les tâches à sa portée. Ces quelques semaines d’enregistrement en studio vont être un révélateur de sa personnalité et de ce qu’elle souhaite pour sa carrière.

Les maquettes sont effectuées par Patrick Defays à Artistudio, localisé passage Dagorno dans le 20e arrondissement de Paris. L’album est quant à lui enregistré au célèbre studio Davout, situé au 73 boulevard Davout dans le même quartier, près de la porte de Montreuil.

Jean-Jacques Goldman est lui resté discret comme à son habitude. Il participe néanmoins à l’album de Sirima, en chantant dans les chœurs de la chanson "I need to know". Ceci n’est jamais mis en avant particulièrement par Sirima, qui y trouve une preuve d’amitié et un clin d’œil au début de sa carrière marquée par le duo qu’ils ont partagé.

Un album bien accueilli

Le public a pu se procurer l’album pendant 3 semaines avant que celui-ci ne soit rapidement retiré en raison de la mort de Sirima. Aujourd’hui, il est difficile à trouver et c’est essentiellement à travers les ventes entre particuliers que l’on parvient à acheter "A part of me".

Sur les forums spécialisés, de nombreuses personnes sont à la recherche d’une version CD d’un album qu’ils avaient en K7 audio. Les éloges fusent dans chaque message posté sur internet à propos de cet album, même si l’émoi impacte forcément les commentaires déposés par les internautes.

Marco Stivell a livré une critique émouvante de cet album sur son site web. Vous la trouverez ici.

“Cet unique album de Sirima, qui fait mieux qu’accompagner le tube l’ayant révélée, laisse derrière lui le talent d’une voix et d’une auteure-compositrice douée, des mélodies et des arrangements de toute beauté.” (Marco Stivell)

Quant à la critique, elle a malheureusement eu à peine eu le temps de donner son avis sur le seul album de Sirima.

Ses projets déjà en cours

Un second album et une tournée à venir

Au moment où "A part of me" sort chez les disquaires le 17 novembre 1989, Sirima se projette d’ores et déjà sur le suivant. Elle a beaucoup d’idées, elle espère s’entourer de grands noms. Selon le blog Le Deblocnot, Nougaro et Aznavour seraient pressentis pour lui écrire certains textes, une information non confirmée. En tous les cas, il est certain que Sirima a déjà avancé sur plusieurs chansons, a des pensées plein la tête et n’est pas prête de se reposer sur les lauriers que ce premier album lui accorde.

Pour faire suite à la sortie de son premier opus, Sirima prévoit avec son équipe l’organisation d’une tournée au printemps 1990. Quand elle en parle, ses yeux s’illuminent, la scène est son objectif numéro un, elle qui a toujours cherché à se produire face au public, dans le métro ou sur une estrade. Ses premières expériences en première partie de Paolo Conté, avec la troupe de Philippe Delettrez puis devant les spectateurs venus voir Jean-Jacques Goldman lui ont donné le goût de la prestation en direct, ainsi qu’une envie de reconnaissance de sa musique.

“Je pense faire de la scène toute seule au printemps de l’année prochaine.” (Top 50 numéro 109)

Elle souhaite défendre ses propres chansons, celles qui lui tiennent à cœur, qu’elle a écrites passionnément. Savoir que des personnes peuvent venir la voir spécifiquement, en payant sa place, en chantant ses titres avec elle, est sans doute une certaine forme d’aboutissement artistique pour la jeune femme. Au contraire de Jean-Jacques Goldman qui était tétanisé par la peur lors de ses premiers concerts, Sirima aime le contact avec le public et le stress ne semble pas l’atteindre. C’est donc avec grande impatience qu’elle prévoit sa future tournée.

Une volonté de rompre avec un concubin qui ne la rend pas heureuse

Alors que Sirima est sur tous les fronts au niveau musical, sa relation de couple se dégrade encore un peu plus. La jeune femme décide de quitter Kat et le lui annonce, 3 semaines après la sortie de son album.

Sirima a vécu 4 ans avec Kat malgré son caractère jaloux et violent. Il était le père de son bébé et on sait qu’elle souhaitait plus que tout fonder une famille.

Il a 16 ans de plus qu’elle. Elle est en recherche affective énorme et a un terrible besoin de réassurance et de protection, d’après les psychiatres experts présents au moment du procès. Kat devait représenter une porte de sortie pour fuir les traumatismes de son enfance et atteindre la liberté tant convoitée.

Sirima aurait confié à Kat les viols de son père qu’elle aurait subis dès ses 8 ans, puis ceux de son beau-père quand elle avait 12 ans. Ivan Jablonka raconte, dans son livre Goldman, que Kat a parlé de crises de larmes et d’angoisses intenses éprouvées par Sirima.

Mais les schémas ont tendance à se répéter et Sirima forme un couple avec un homme jaloux et violent. Elle en aurait été consciente, car sa mère déclare “À plusieurs reprises, elle m’a dit qu’elle était en train de vivre avec [Kat] ce que j’avais vécu avec mon précédent mari.”

Sirima était en train de s’émanciper. Non seulement elle devenait une chanteuse en vue, mais elle avait décidé de quitter un compagnon peu aimant et médiocre. Désormais, ils avaient deux visions du monde incompatibles.

“Ils étaient le contraire l’un de l’autre. Kat était hyper jaloux, possessif, traditionnel. Elle était libre dans sa tête.”. (Philippe Delettrez)

La jeune femme décide de prendre son destin en main et de stopper cette relation toxique. Elle l’annonce à Kat le 6 décembre 1989.

Le drame d’une vie fauchée en pleine jeunesse

La personnalité jalouse jusqu’à l’extrême de son conjoint

A-t-elle rencontré quelqu’un, comme l’a prétendu Kat lors de son arrestation ? Souhaitait-elle stopper cette relation toxique qui ne la rendait pas heureuse et la freinait dans ses projets ? Désirait-elle éloigner son fils Kym d’une atmosphère familiale délétère et d’une violence physique et verbale constante ?

Nul ne le saura, car dans la nuit du 6 au 7 décembre 1989, cet homme jaloux et possessif ôte la vie de sa conjointe en lui assénant plusieurs coups de couteau mortels dans les poumons et dans le cœur.

Plusieurs témoins révèlent que Kat frappait régulièrement sa compagne au visage, mais aussi sur les oreilles. Un début de surdité menaçait Sirima, la privant de son outil de travail, que Kat voulait sûrement lui retirer par jalousie extrême.

Celle-ci arrivait parfois au studio d’enregistrement avec des ecchymoses. Les techniciens sont alors les premiers témoins de ce que subit Sirima, sans oser s’en mêler, ça ne se fait pas à cette époque…

Jaloux, impulsif, violent, élevé dans une société patriarcale où les femmes sont soumises, Kat confisque pendant des années tous les revenus qu’elle gagne, même lorsqu’elle est sous contrat et rapporte l’essentiel de l’argent du foyer.

La violence conjugale jusqu’à la mort

Jaloux de son succès naissant, Kahatra assassine Sirima à coups de couteau de cuisine, moins de trois semaines après la sortie de  “A part of me”. Elle avait 25 ans et était maman d’un bébé de 21 mois. Le petit Kym perd au même instant sa mère et son père qui se constitue prisonnier.

Il l’aurait tuée “pour qu’elle n’appartienne à personne d’autre que lui”. Il ne pouvait pas supporter l’idée qu’elle puisse l’abandonner pour suivre une carrière artistique en solo. Elle avait décidé de le quitter, de vivre libre et de refuser de subir sa violence quotidienne. Il a préféré lui ôter la vie plutôt que de risquer de la voir être heureuse loin de lui.

Évidemment, l’homme va plaider l’accès de folie lié à la rupture que Sirima lui aurait annoncé. Loin d’assumer la situation de peur qu’il imposait à sa compagne, il essaie de faire croire que c’est un geste isolé qui a dégénéré. Pourtant ce meurtre n’est que le dernier acte d’une vie de violence physique et verbale qui a tenté de démolir une jeune femme, dont il ne supportait pas le talent, supérieur au sien.

En 1989, le terme de féminicide n’est pas employé, on cherche automatiquement des excuses pour expliquer le geste d’un mari trompé ou humilié. Si le prévenu est légalement présumé innocent, la victime est, elle, toujours présumée coupable dans l’esprit collectif !

Le procès d’une autre époque

Kat se présente le 7 décembre 1989, vers midi, au commissariat de police du Xe arrondissement de Paris pour avouer le meurtre de sa compagne à la suite d’une dispute. Les autorités se rendent immédiatement sur les lieux où se trouve déjà le manager de Sirima. Ce dernier a été prévenu par le meurtrier lui-même et a défoncé la porte avant d’appeler les pompiers.

Malheureusement, le corps de Sirima est inerte, enroulé dans un édredon ensanglanté.

Les coups assénés par un mauvais couteau de cuisine ont atteint le cœur et le poumon de la jeune femme, ne lui donnant aucune chance de survie.

Kat affirme aux policiers qu’il a agi par jalousie, alors que Sirima voulait le quitter pour un autre. La vérité de ses accès de violence réguliers envers sa compagne expliquera cet homicide mieux que le dépit amoureux.

Il est condamné à 9 ans de réclusion criminelle par la cour d’assises de Paris. Il en purgera moins après avoir bénéficié de remises de peine. Cependant, il est expulsé du territoire français, en 1996, après décision du Conseil d’État.

Pour un meurtre commis à cette époque, 9 ans est la sanction la plus lourde requise par l’avocat général Philippe Bilger. Le procès est expéditif, une seule journée d’audience où se succèdent témoins et experts psychiatriques.

L’accusé se plaint d’être déprimé et en proie à la mélancolie dans sa cellule. Il déclare qu’il s’est défendu contre l’attaque de sa conjointe qui a saisi le couteau en premier. Au vu de la différence de gabarit entre la frêle Sirima et le lourd Kat et surtout du résultat de cette prétendue bagarre, on imagine que la Cour s’est fait sa propre opinion.

Cependant, nous sommes au début des années 90. Les mœurs sont tellement différentes de celles d’aujourd’hui, qu’il nous est difficile de concevoir que le juge d’instruction et le psychiatre en sont à dépeindre une femme névrotique, perverse, violente et instable. On parle pourtant bien de la victime d’un meurtre perpétré dans son appartement, alors que son fils dort près du lieu du crime, commis par son père.

Le tribunal n’est pas si loin de plaindre ce pauvre homme devenu martyre d’une manipulatrice. Cela constituait des circonstances atténuantes à l’époque. La situation serait inconcevable de nos jours et tant mieux, les choses avancent !

“Nous n’avons entendu en cour d’assises que la version de l’accusé qui évidemment a fait passer une sorte de responsabilité sur la victime, qu’il a créée”, regrette aujourd’hui l’ancien avocat général.

À la suite de la diffusion du reportage de Pascale Thirode “Elle s’appelait Sirima”, dans le cadre de la Journée internationale pour l'éradication des violences à l'égard des femmes, Cendrine Delattre, gendarme et responsable de la Maison de protection des familles de Bastia s’est exprimée.

"Ce qui a changé, c'est que dans les affaires de féminicide, on ne parle plus de circonstance atténuante, mais de circonstance aggravante. Si l'affaire était jugée aujourd'hui, le meurtrier n'aurait pas été condamné à neuf, mais à vingt ans de prison."

Emprisonné à Melun, Kahatra Sasorith sera expulsé du territoire français en 1996.

L’onde de choc et ses conséquences

Un enfant orphelin de mère et fils d’un assassin qui doit se construire

Le petit Kym avait à peine plus d’un an quand sa maman a été assassinée à 2 pas du lit où il dormait, par son propre père.

“Après le drame, ma grand-mère maternelle, Édith Navaratne a obtenu ma garde et m’a ramené en Angleterre. J’ai d’abord été élevé dans la région du Fenland, puis j’ai pas mal déménagé pour que mon père ne nous localise pas”, déclare le jeune homme en 2022, qui a fui toute sa jeunesse tout contact avec son géniteur.

Kym porte le nom de famille de sa mère, Wiratunga. Son père ayant une double vie, ne voulait-il pas se compromettre ? Sirima, seule durant son accouchement, a-t-elle pressenti que le père de son fils ne serait pas présent pour lui ?

“C’est le nom que ma mère a fait enregistrer sur mon certificat de naissance (…), je lui en suis reconnaissant, je préfère être associé à ma mère qu’à mon père”, affirme Kym.

Le jeune Kym précise que le meurtre de sa mère a changé le cours de sa vie. Il a 5 ou 6 ans quand sa famille maternelle tente de trouver des mots pour lui expliquer l’indicible. “C’était dur de tout saisir et de reconnaître que mon père avait tué ma mère. J’ai grandi avec le sentiment qu’on m’avait arraché une part de moi.”, déclare Kym en affirmant qu’il ne désire pas rencontrer l’homme qui a assassiné sa mère.

“J’ai passé l’essentiel de ma jeunesse à maudire cet homme que je ne connaissais pas et avec lequel je ne souhaitais aucun contact. Je n’en veux pas plus aujourd’hui. Je ne pense pas être capable de lui pardonner un jour, ce n’est même pas une pensée qui traverse mon esprit et je suis en paix avec cela.”

Avec l’âge, Kym est devenu plus curieux au sujet de sa mère. S’il a peu écouté le titre “Là-bas" durant son enfance, il connaît désormais l’attachement que les Français vouent au duo interprété par Goldman et par sa mère.

“J’ai vu des extraits sur YouTube et la communion de Jean-Jacques avec ses fans sur ce titre est incroyable. Je n’en reviens pas. À chaque fois que je visionne ces images, une émotion m’étreint, mais elle est positive.”

Le nom de Sirima est tellement lié à Jean-Jacques Goldman dans l’esprit des Français qu’une rumeur persiste à dire que le petit Kym aurait été adopté par le chanteur après le meurtre de sa mère.

Tout ceci est faux. Kym n’a jamais eu de relation avec la personnalité préférée des Français qui est restée discrète comme à son habitude.

“Il y a très longtemps, j’ai cherché à le joindre, mais je n’avais que son compte Facebook comme moyen de le faire. J’imagine que mon message a été noyé au milieu de centaines de messages de fans qu’il reçoit chaque jour”.

Le jeune homme est devenu un adulte accompli, diplômé en musique et il rêve de devenir artiste, comme sa mère. Il travaille chez Virgin Media depuis 2019 en Angleterre et espère bien prendre son destin en main.

Les hommages du public et de la profession

Le public apprend avec effroi au journal télévisé ou dans les quotidiens que la jolie Sirima a été assassinée. Certains l’ont découverte dans les couloirs du métro, la plupart dans le clip de “Là-bas” et les plus fans d’entre eux la connaissent à travers les chansons de l’album “A part of me”. C’est un choc considérable tellement le visage de la jeune femme est reconnu de tous.

Lors de son enterrement, son cercueil est tapissé de marguerites blanches, ses fleurs favorites. Les cendres de Sirima sont dispersées au niveau de la passerelle piétonne Bichat, franchissant le canal Saint-Martin, dans le 10ᵉ arrondissement de Paris, tout près de là où elle a vécu et où elle est morte.

Le mensuel “Paroles et musique” lui rend un vibrant hommage dans ses numéros 25 (Du métro au tombeau… la brève histoire de “Maman douce”) et 26 (Elle s’est retirée, un peu forcée… mais le monde et sa violence la méritaient-elle ?).

Sa maison de disques CBS est dans l’embarras et adopte une position pudique et respectueuse.

“La mort d’un artiste n’est pas un argument publicitaire. Mais nous n’avions pas le droit de taire le talent, parce que la vocation d’une œuvre est d’exister par delà la mort de l’artiste. Nous avons signé Sirima, nous croyions en Sirima. Nous croyons toujours en elle.”

Le disque de Sirima n’est resté que trois semaines dans les bacs avant d’être retiré de la vente. Ceci peut s’expliquer par le fait que les chansons de l’album soient très intimes et parlent de manière tout à fait claire de ce que la jeune femme vivait avec son conjoint et futur meurtrier.

Des fans qui pleurent la disparition de la chanteuse ont érigé une pétition en ligne en 2022, pour mettre en place une plaque commémorative à la mémoire de l’artiste. La décision appartient bien entendu à la famille, qui pour l’instant n’a pas donné suite.

De nombreux témoignages émouvants de fans sont visibles sur internet, plus de 30 ans après la mort de la chanteuse. C’est sans doute la plus belle preuve d’amour du public pour la jeune étoile filante.

“Petit ange Sirima je t’aimais. Je m’arrête à Châtelet les Halles, je t’entendais chanter comme une déesse ton sourire irradiait de soleil. Je me souviens très bien, il me rendait heureuse, tu réchauffais mon cœur et ma vie. J’étais à Bastille quand j’ai lu ton meurtre sur un journal posé sur un comptoir d’un bistrot où je buvais mon café. Quelle triste fin…” Karima

“J’aimerais entendre sur les ondes sa magnifique voix, je l’écoute très souvent et je voudrais que le monstre qui a disposé de sa vie sache que la part d’elle exprimée dans son unique album ne mourra jamais…” Hermine

Raphaël Torr, un artiste québécois d’origine française, a écrit une chanson en hommage à Sirima. Voici son texte :

Sirima
Elle vivait dans la vie un peu comme ces oiseaux
Qui ne posent jamais leurs ailes sur la terre
Et qui volent sans bruit entre le ciel et l’eau,
Toujours vers la lumière durant leur vie entière.

Elle chantait des sourires dans les couloirs du métro,
Une guitare sur le cœur et d’une voix de cristal…
Comme un ange qui a peur au milieu des badauds,
Elle parlait d’avenir, loin de sa terre natale.

Elle s’appelait Sirima, qui veut dire maman douce,
Elle venait de là-bas, du pays des rivières…
Et son souffle de vie, comme l’eau d’une source
Frissonnait de tendresse, doux comme une prière.

Princesse de ses rêves, amoureuse d’un paumé,
Rencontré dans un bar, sans talent, sans passé.
Elle avait fait germer pour eux au milieu d’elle,
Un enfant qui riait dans sa vie d’hirondelle.

Elle s’appelait Sirima, qui veut dire maman douce,
Elle venait de là-bas, du pays des rivières…
Et son souffle de vie, comme l’eau d’une source
Frissonnait de tendresse, doux comme une prière.

Malgré les vents tournant sur des routes de galère,
Quelqu’un l’a découverte pour nous faire partager…
Une partie d’elle-même, un rayon de lumière,
Avant que toute la haine ne l’emporte à jamais.

Elle s’appelait Sirima, qui veut dire maman douce.
Elle doit chanter là-bas aux portes des étoiles
Et sa voix de cristal comme l’eau d’une source,
Raisonne dans mes veines quand les nuits sont fatales.

Elle vivait dans la vie un peu comme ces oiseaux
Qui ne posent jamais leurs ailes sur la terre
Et qui volent sans bruit entre le ciel et l’eau,
Toujours vers la lumière durant leur vie entière.

Elle s’appelait Sirima, qui veut dire maman douce,
Elle venait de là-bas, du pays des rivières…
Et son souffle de vie, comme l’eau d’une source,
Frissonnait de tendresse, doux comme une prière…

Paroles et musique : Raphaël Torr
(P) Éditions de l’Accroche-cœur/SPACQ / SOCAN
Tous droits réservés

Enfin, un documentaire réalisé en 2021 par Pascale Thirode, dont nous avons parlé plus haut, se penche sur l’histoire de Sirima et sur son féminicide. Il se nomme “Elle s’appelait Sirima” et est passé plusieurs fois à la télévision depuis. Il apporte un regard neuf sur l’évolution des mentalités et sur les violences conjugales. Sirima est devenue un symbole des femmes victimes de meurtre conjugal tout comme l’est aussi Marie Trintignant, victime de la même folie en 2003. Ces femmes célèbres représentent les centaines de victimes anonymes qui ne passent pas dans les médias.

L’héritage porté par une chanson éternelle

Le choix difficile de Goldman de faire vivre cette chanson

Jean-Jacques Goldman prend la douleur de la perte de Sirima de plein fouet, lui qui a participé à sa mise en lumière quelques années plus tôt. Dix ans après l’assassinat de son demi-frère Pierre en 1979, Goldman doit à nouveau faire face au meurtre d’un de ses proches.

Comme des millions de gens en France et ailleurs, il ne peut plus entendre “Là-bas” sans penser à sa binôme et amie, tuée à cause de son talent et de son aura. Il lui est alors devenu impossible de chanter les couplets de Sirima, mais il souhaite tout de même continuer à faire vivre cette chanson, empreinte du sourire et de la voix de la jeune Sri Lankaise. Naturellement, Jean-Jacques s’est tu et a laissé son clavier jouer les parties vocales de Sirima. Nous retrouvons ce moment émouvant sur l’album “Sur scène”, qui immortalise les concerts du trio Fredericks-Goldman-Jones de 1992.

Plus tard, en 1998, au cours de la tournée “En passant”, Goldman joue “Là-bas” et laisse le public entonner les couplets interprétés auparavant par Sirima. Toutes les personnes qui étaient présentes lors de ces concerts se souviennent encore du frisson et de l’intense émotion qui est passée dans les salles durant cette chanson.

“Seul sur scène devant son piano, à la lueur d’une petite bougie scintillante, dans une ambiance très spirituelle”, comme l’a expliqué Fabien Lecoeuvre dans son livre “La véritable histoire des chansons de Jean-Jacques Goldman” consacré au chanteur.

“Le fait qu’on n’entendait pas Sirima, ça renforçait son souvenir et sa mémoire.” Nelson Monfort dans un documentaire diffusé sur CStar le 11 octobre 2021

Les différentes versions de “Là-bas”

La seule artiste qui a pu interpréter les parties réservées à Sirima en duo avec Jean-Jacques Goldman est Céline Dion. Pour préparer le spectacle des Enfoirés 1994, Goldman prend contact avec René Angelil pour proposer à Céline Dion de chanter “Là-bas” avec lui.

Il la considère comme une équivalente francophone de Barbra Streisand ou de Whitney Houston. À la différence de Sirima, Céline Dion est déjà célèbre avant de rencontrer Jean-Jacques, surtout au Canada. Elle chante depuis ses 12 ans et a remporté l’Eurovision en 1988 en représentant la Suisse. Cependant, elle n’a pas encore le succès qu’elle mérite en France. Quand Céline interprète Là-bas avec Goldman en 1994, elle ne sait pas qu’elle va devenir une superstar en France grâce à l’album que Jean-Jacques lui concoctera un an plus tard.

C’est la première fois qu’il accepte de remplacer Sirima. La grande Carole Fredericks, amie de longue date de Goldman et voix exceptionnelle, hélas disparue également trop tôt, n’a jamais chanté cette chanson, sans doute trop marquée par le drame de la mort de Sirima.

De nombreuses reprises de “Là-bas” ont été réalisées, avec ou sans accord de son compositeur. Grégory Lemarchal, Mickaël Miro, Chimène Badi, Florent Pagny ou encore Natasha St-Pier ont tous interprété ce titre à leur façon.

Une chanson immortelle

Nous l’avons compris, “Là-bas” est une chanson indissociable de l’œuvre de Goldman. Elle est un vrai symbole de tolérance, de liberté, elle incarne l’exil, le départ, l’envie de saisir sa chance quand elle se présente. Elle est, avec le temps, devenue aussi l’étendard de la lutte contre les violences conjugales.

“Là-bas” est un des duos les plus célèbres de tout le répertoire français. Selon un sondage réalisé par RFM et “Télé 7 Jours” auprès d’un panel de plus de mille adultes représentatif de la population française, elle arrive en deuxième position de leurs préférences, juste derrière une autre chanson de Goldman, “Je te donne”, interprétée avec Michael Jones.

Vendue à plus de 600 000 exemplaires aujourd’hui, sur l’album phare de Goldman “Entre gris clair et gris foncé”, tiré à 2,2 millions d’exemplaires, la chanson est, disons-le, devenue culte.

Comme dit Jean-Jacques Goldman, “Les chansons appartiennent à ceux qui les écoutent ou qui les chantent, pas à ceux qui les inventent”. On a quand même envie de déclarer que “Là-bas” appartient un peu plus à Sirima et à son souvenir éternel.

Sources :