Carte Blanche à Claude Lemesle (26 juin 2020)

Cartes Blanches

J'ai découvert, comme tout le monde, Jean-Jacques Goldman grâce aux médias, radio, télévision. Dès l'écoute de ses premières chansons, j'ai été frappé par une évidence : le don pur, le sens de la bonne chanson, claire, intelligente et simple. Bien évidemment, comme tous ceux qui ont la « malchance » de connaître un rapide succès, il s'est trouvé très vite en butte aux critiques acerbes d'une certaine presse et a été la cible d'articles aussi féroces qu'injustes. Cela m'a, bien évidemment, beaucoup énervé car j'ai horreur de ce snobisme qui consiste à mépriser ce qui est populaire tout en s'auto-proclamant porte-parole du peuple. Là encore, il a fait preuve d'une grande intelligence et de beaucoup d'humour pour leur répondre. Nous nous sommes croisés pour la première fois à Suresnes, à la fin des années 80, sur le trottoir du studio Guillaume Tell. Il devait être en train d'enregistrer un album et moi, de mon côté, je dirigeais les séances de Serge Reggiani dont j'étais non seulement l'un des auteurs, mais aussi, le directeur artistique. Nous nous sommes serré la main, nous avons échangé quelques mots et j'ai eu l'impression qu'il savait qui j'étais, au point même qu'il m'a semblé voir passer dans son regard quelques titres de Joe, Serge, Nana, Michel et les autres... Dans les années 90, il est venu plusieurs fois parler avec les jeunes auteurs de mon atelier. Il l'a fait très simplement, avec beaucoup de gentillesse et a répondu à toutes leurs questions sans regarder sa montre comme certains autres... Depuis, nous avons été en contact à plusieurs reprises, en particulier pour la comédie musicale initiée par mon ami Sylvain Lebel, « Un été 44 », dont j'ai écrit, avec Charles Aznavour, l'avant-dernière chanson et dont lui-même a composé le final. J'apprécie beaucoup l'homme. Sa notoriété n'a en rien entamé son humilité, c'est un « mec normal », absolument pas grisé par la célébrité ni par son statut d'actuelle « personnalité préférée des français ». Il est pour moi le modèle de « l'honnête homme » tel que le concevait le 17 ème siècle et tel que je l'envisage aujourd'hui. Un individu mû par un idéal au service des autres. J'ai eu l'occasion de le lui écrire un jour, au lendemain d'un « séminaire » où il avait comblé les jeunes auteurs de mon atelier de remarques aussi bienveillantes que pertinentes. J'avais fait partir ce courrier début avril de la Sacem. Or, à la même époque, celle-ci avait adressé à ses membres la traditionnelle « répartition », en quelque sorte la fiche de paie des créateurs. Quelques jours plus tard, je recevais un petit mot manuscrit de Jean-Jacques (avec, au dos de l'enveloppe, la mention transparente JJG), qui , en substance, disait ceci: « J'ai reçu il y a quelques jours deux lettres de la Sacem. La première était pleine de chiffres, la seconde ne contenait que quelques mots. C'était la plus précieuse ». J'ai bien évidemment, été très ému par ce court message, vraiment très ému. Et je me suis dit: « C'est ça, Jean-Jacques Goldman : la classe ! ».

Claude Lemesle, le 26 juin 2020