C'est dit

Derrière les notes

Bon, Marco, je suis désolé. Vraiment. C’est important de le verbaliser. Donc voilà, je le dis. Je l’ai dit! Et je le redirais s’il le faut. Ci-présent: mes excuses. Noir sur blanc. Sincères. Après, toi-même tu sais très bien que j’pensais rien de tout ce que j’ai dit vendredi soir. C’est le contexte. J’ai déliré. Sans toi, sans vous, je n’en serais pas là. Jamais d’la vie. Rouvrons le dossier. Des fois ça m’échappe, mais c’est un instant seulement, et toujours dans le feu de l’action, quand je suis surmené, stressé, et que, voilà, par faiblesse je craque. Ça excuse rien, j’en suis pas fier, mais ça change rien non plus à l’amitié, au respect, et à l’amour que j’vous porte—si si, arrêtes de t’marrer, c’est bon je vais jusqu’au bout maintenant, ton excuse à la con tu vas l’avoir, et plus encore!—tu le sais et vous tous le savez: rien de tout ça n’aurait été possible si on ne l’avait pas construit ensemble ce groupe. Cette chose qu’on fait, c’est peut-être moi la façade, je fais l’taff, mais ce groupe on l’a créé nous-mêmes, ensemble. Tout—cette vie, les fans, les tournées, c’est tout nous ça, c’est la famille! Tu te rends compte? Ça me fait tourner la tête quand j’prends le temps d’y penser…c’est fou, j’te jure. Dire qu’il y a moins de cinq ans on était encore dans la cave chez Soph, à squatter sa cuisine et à pousser ses voisins à bout. Et quand j’pense à tout ce qu’on a donné… quand j’pense à tous les faux départs, tous les faux plans, tous les contretemps… Non mais y’a pas de doute chez moi que sans vous, j’aurais laissé tomber il y a des années. Avant Londres, avant Bercy, même avant l’Allemagne après le départ de Manu, j’aurais jamais pu continuer à me battre et à persévérer si c’était pas à vos côtés. J’me serais écrasé comme une merde. C’est vrai. Voilà, ça aussi c’est dit. J’me monte la tête des fois, et y’a toujours une raison, quelque part, et surement que j’vais vouloir l’expliquer, défendre mon idée, ça fait partie du truc, pi qu’est-ce-que tu me casses les couilles aussi, ça va dans les deux sense, mais au fond tu sais bien c’que j’pense… T’es mon ami, mon frère, mon copilote, et tu le sais. Bon voilà, je tourne en rond maintenant.. Tu sais ce que je me dis des fois, j’ai vraiment l’impression d’être sur la banquette arrière, que ça c’est fait tout seul.. Je sais que c’est contradictoire parce que, oui, j’ai l’impression d’y avoir laissé un rein et trois couilles et je commence vraiment à le sentir dans ma vieillesse.. mais après des, un poil de recul, et pouf, c’est tout…c’est dingue, non? Où on en est. Non mais même Freddo qui peut pas prendre le métro sans se faire griller, c’est ouf ça, non? Qu’on nous reconnaisse nous ça m’paraît encore normal, vu comme on nous tartine sur les écrans, mais l’ingé son? Dingue. Bon, peut-être que je suis un peu pompette et que ça me délie la langue, mais alors j’en profite—j’ai envie de dire aussi que putain on a fait ça tout seuls quand même, perso j’ai pas vu le temps passer. J’ai l’impression d’avoir à peine cligné des yeux. Personne nous a dit où il fallait qu’on aille ou ce qu’on avait à faire—personne!—alors on a fait ce qu’on a voulu, ce qu’on a pu, mais surtout on fait ce qui nous faisait kiffer! Ce qui comptait avant tout c’était la musique, mais quand j’pense à tout le reste… je me demande même si on n’a pas passé plus de temps à raconter des conneries autour de la cafetière que de jouer, tu te rends compte? c’est comme on s’est toujours dit—pourquoi on prendrait des gens avec qui on peut pas s’entendre en dehors de la répète ou de la scène? Si on va vraiment y passer nos vies, il faut le faire avec ses potes. On n’est riche que de ses amis. C’est dit.

Ps: brûle-moi cette lettre stp, j’ai pas envie que tu me fasses chanter la prochaine fois qu’on se prendra la tête.