Comment c'était là-bas
Derrière les notes
Cette lettre peut te surprendre,
Mais si je devais te parler de ma vie ici,
Je te ferais la confidence d’ignorer si tu avais raison,
Tout en reconnaissant sûrement que tu n’avais pas tort.
Ton ventre s’arrondissait de jours en jours avant mon départ.
Pourtant, mes projets de l’époque étaient tout autres.
Ceux que j’ai tenus à réaliser aujourd’hui,
Quand mes envies d’ailleurs étaient plus fortes.
Une nouvelle vie, des rêves plus grands,
Réapprendre à définir le possible.
Parti pour mieux te retrouver ?
La réponse portait le nom d’avenir.
Du cœur et du courage pour seuls bagages,
Il m’en aura fallu de la force et du travail,
Pour changer de destin, me payer une nouvelle naissance.
Mais au prix de quelles illusions ?
C’est aujourd’hui le sens de ma réflexion.
Si le continent paraissait libre,
Personne ne l’est ici.
Chacun est otage d’une autre personne,
Quand ce ne sont pas les choses qui nous gouvernent.
A quoi je sers et qu’est ce que j’espère ?
Je voulais des réponses en te quittant.
Si je revenais, ce serait avec des doutes.
Décidemment, on ne peut vivre qu’une vie à la fois.
Je suis devenu riche de ce qui s’achète ici.
Est-ce un indice de liberté ?
Ces questions qui se bousculent,
Quand je cherche encore un soir à m’envoler.
Avant de partir je ne parlais que de là-bas.
Là-bas, je ne parle que de chez moi.
Je t’ai laissé faire notre bébé toute seule,
En quittant ma famille, sans un mot.
Je ne suis pas certain que vos bonheurs auraient été ici,
Toi et notre enfant auquel tu auras donné l’essentiel,
Lui qui peut encore courir sur nos plages,
Celles que mon pays d’accueil a aujourd’hui condamnées,
Pour un risque de pandémie.
L’épidémie de nos erreurs,
Avec une nature qui se venge,
De qui l’aura contrariée.
Je repense à nos montagnes,
Celles qui aujourd’hui me changeraient la vie.
Je suis enfermé dans mon studio,
Où tu deviens lumière et lueur à la fois.
Je reconnais que les femmes, qui peuvent donner la vie,
Ont un instinct de survie bien supérieur au nôtre.
Nos soifs d’aventure nous donnent faim,
La faim de combler nos vides.
Sans chercher à ce que tu m’aimes encore,
Encore un matin, où confiné je me dis,
Que je suis allé ici, au bout de mes rêves,
Moi qui ne suis plus autorisé à marcher seul, même de nuit.
Je voulais juste t’écrire que ma prochaine destination,
N’aura pas le sens de la précédente.
Car si ce soir je veux veiller tard,
C’est pour t’écrire que mon long voyage,
J’ai l’impression de l’avoir aujourd’hui accompli.