Des miettes de nous

Derrière les notes

10 juillet 1998

Elle est tellement belle. Tellement forte. Tellement fragile aussi. Mon roc. Mon cristal. Ma Crystal. En regardant cette vieille photo que j’avais prise à Madère, je repense à nos moments heureux. C’était la première fois que nous partions en vacances ensemble. Elle avait tenu à inviter son meilleur ami, qu’elle connaissait depuis la maternelle, et sa copine. J’aurais préféré qu’on reste tous les deux, en amoureux. Je les aimais bien ses amis, mais j’étais jaloux de cette relation fusionnelle qu’elle avait avec Olivier, moi qui n’avais rencontré Crystal qu’en Terminale.

11 juillet 1998

Il était de ces rares sans fard. Facile à comprendre et si simple à aimer. Rieur, léger et tellement toujours lui. Imperméable aux ombres de la vie, il n'était jamais nuit. Il était de ceux dont on saisit si volontiers la main, pour ne jamais craindre demain. Un doux contraire, si sûr et familier.

L'histoire, notre histoire était dite, écrite et rien ne viendrait jamais contrarier son évidence, nos évidences.

Madère serait une fête. Nous y serions baignés de cette douce arrogance de la jeunesse, exaltés par la béatitude de nos inébranlables certitudes. Mais ces bonheurs qui déferlent sur la vie ne sauraient être tus et abrités du monde. Un jardin serait bien trop petit pour y enfermer tous ces rêves, toutes ces envies. On ne chuchote pas ces bonheurs-là, on les gueule au monde et à la vie. Je voulais plus que tout, partager avec ceux qui comptaient, ce délicieux parfum de Nous et qui de plus évidents pour cela, qu’Olivier et Anna.

Anna est une amie de lycée. Un petit brin de femme, pleine de contrastes irrésistibles et vivifiants. Elle remplit le moindre vide qui commettrait l'imprudence de s'inviter et sait comme personne, sublimer les petits riens d'une journée. Elle est mon bouffe-grisaille.

Olivier, lui, est cet irremplaçable d'une vie. Celui à qui on ne dit rien mais qui sait déjà tout. Celui dont le regard suffit. Celui dont j'aime par-dessus tout les silences. Il comprend les miens, je comprends les siens. Caméléon des situations, d'apparence toujours à son aise, je crois être la seule à comprendre les failles de celui dont on ignore le plus souvent, l'argile. Nous parlons peu mais partageons presque tout. Il est ma madeleine à moi et je ne saurais me passer de nos jeux absurdes, d'enfants terribles.

17 juillet 1998

Madère, c'était bien. Madère, c'était exactement comme je l'avais imaginé jusqu'à ce jour où, comme l'orage vous surprend une douce soirée d'été, je n'ai pas compris ce qu'il m'arrivait.

La nuit tombait. Dès notre arrivée, amusés, nous avions déterminé des binômes et un planning "Corvées". Et à notre grand désespoir, c'était Olivier et moi que la vaisselle attendait ce soir-là. Comme à l'habitude, le désespoir fut de courte durée et nos bagarres enfantines reprirent vite le dessus. Voilà plus de dix-sept ans que nos yeux se parlaient, que nos corps se touchaient, que nos peaux se frôlaient sans que jamais nous n'ayons eu à nous interroger sur la moindre ambiguïté. À quoi bon songer à l'invraisemblable ? Pourtant je sais aujourd'hui, qu'une seule et simple minute peut parfois ébranler l'évidence d'une vie et fissurer ce qui semblait promis. Un bien banal jeu de mains, devenu trouble et jeu de destin.

Nous rejoindrons finalement l'autre binôme sans que jamais nos lèvres ne prononcent le moindre mot...ces mots interdits que la clameur de nos yeux avait très certainement enfouis. Ces doigts entrecroisés, ces mains entrelacées qui ont si souvent joué, venaient de se jouer de nous, effrontément, éhontément, odieusement.

Je décide que nous quitterons l'île dès le lendemain, pour rejoindre l'Algarve. Après tout Anna et Olivier auront de quoi s'amuser ici, et nous de quoi nous protéger et nous aimer là-bas.

Il nous fallait partir, mon amoureux et moi. Je profite d'un moment d'intimité pour lui glisser mon projet.

Je le sens surpris de ma secrète urgence, il est soudain si silencieux ! Je n'aime pas cette absence dans son regard, quelque chose le tracasse.

17 juillet 1998

Elle m’a dit qu’elle voulait abréger notre séjour à Madère pour rejoindre le continent. Pour voir des flamants roses, un château médiéval et une église avec les mausolées de sept chevaliers tués par les Maures. Je n’ai pas compris. Je me réjouissais tellement de visiter la ferme piscicole de Ribeiro Frio et de manger une truite aux amandes. Bon, c’est vrai, elle n’aime pas tellement le poisson. J’ai fait semblant de me réjouir. J’ai accepté. A l’intérieur, je suis triste et en colère. Mais je ne veux pas gâcher notre relation naissante. Alors nous avons annulé le reste de notre séjour pour prendre un avion pour l’Algarve. J’essaie de donner le change.

20 juillet 1998

La plage de Tavira s'étendait devant nous, un ruban d'or finement dessiné par la nature. Les vagues venaient doucement caresser le rivage, apportant avec elles le doux parfum de l'océan. Je ne pouvais m'empêcher de penser à Madère, à ces moments que nous avions laissés derrière nous. Les montagnes, les forêts luxuriantes, la truite aux amandes que je n'avais pas pu goûter... Tout cela me hantait encore.

Elle semblait le sentir, car elle a pris ma main et l'a serrée fort. Son regard plongeait dans le mien, cherchant à y lire mes pensées. Elle m'a entraîné plus près de l'eau, là où le sable est frais et humide. Nous nous sommes assis, nos pieds effleurant les vagues timides.

Le soleil commençait sa descente, teintant le ciel de nuances orangées et pourpres. Elle s'est blottie contre moi, sa tête reposant sur mon épaule. J'ai enroulé mon bras autour d'elle, la serrant contre moi. Le poids de Madère s'est lentement dissipé, remplacé par la chaleur de l'instant présent.

Nous avons regardé le soleil disparaître à l'horizon, chaque rayon qui s'éteignait renforçant le lien entre nous. Les regrets et les déceptions se sont estompés, laissant place à la gratitude pour ce moment de pure intimité. La plage, le coucher de soleil, elle et moi, enlacés, perdus dans la beauté de l'instant. Tout semblait parfait.

20 juillet 1998

La douce mélodie des vagues berçait mes pensées tandis que nous marchions sur la plage de Tavira. Le sable doré sous mes pieds me rappelait la texture des montagnes de Madère, et chaque brise me ramenait à ce moment inattendu avec Olivier. Ces souvenirs, aussi fugaces soient-ils, avaient laissé une empreinte indélébile dans mon esprit.

Je sentais une distance entre nous, une tension silencieuse. Peut-être ressentait-il mes hésitations, mes regrets. Je ne voulais pas que ces ombres du passé gâchent notre relation naissante. J'avais fait un choix, et je devais m'y tenir. J'ai pris sa main, la serrant fort, comme pour lui transmettre tout l'amour et la détermination que je ressentais. Je voulais qu'il sache que malgré les turbulences, j'étais là, à ses côtés.

Nous nous sommes approchés de l'eau, et je l'ai entraîné pour nous asseoir. Le ciel se teintait de couleurs chaudes, annonçant le coucher du soleil. J'ai cherché refuge contre lui, posant ma tête sur son épaule, cherchant à me perdre dans la chaleur de son étreinte. Chaque rayon du soleil qui disparaissait semblait emporter avec lui mes doutes et mes peurs.

La soirée s'est déroulée dans une douce intimité, et je me suis promis de tout mettre en œuvre pour préserver ce que nous avions construit ensemble. La plage, le coucher de soleil, lui et moi, enlacés, c'était tout ce qui comptait. Tout ce qui avait précédé n'était plus qu'un lointain souvenir.

20 novembre 1999

Ça y est, nous avons franchi le pas. Nous emménageons ensemble dans ce bel appartement que nous avons trouvé. et qui nous a séduits tous les deux. En faisant mes cartons, j’ai hésité à conserver mes centaines de vinyles. Elle m’a dit qu’elle adorait le son si particulier des 45 T et des 33 T. Pour Noël, je lui offrirai un électrophone professionnel. Bon, c’est un cadeau que je nous fais à tous les deux, quelque part.

13 avril 2002

Le printemps avait décidé d'offrir sa plus belle parure. Tout semblait irréel, comme si le temps s'était suspendu pour célébrer notre amour. Mon cœur battait à tout rompre, chaque battement résonnant comme une mélodie d'espoir et de bonheur.

La robe, d'une simplicité élégante, ornée de dentelles délicates et de perles fines, m'enveloppait. Anna, avec son œil avisé, avait su déceler celle qui serait le reflet de mon âme. Devant le miroir, je voyais une femme épanouie, prête à s'unir à l'amour de sa vie.

La descente des escaliers fut un ballet de sourires et d'émotions. Mon père, avec ce regard empli de fierté, prit ma main, m'accompagnant vers le nouveau chapitre de ma vie.

L'église se tenait là, majestueuse, et en son sein, lui, resplendissant dans son costume, avec cette cravate bleue qui faisait ressortir la profondeur de ses yeux. Nos regards se croisèrent, et sans un mot, tout était dit. Mon père me confia à lui, et ensemble, face à l'autel, nous étions prêts à sceller notre destin.

Le prêtre, avec sa voix douce, nous guida à travers les rites sacrés. Nos mains se joignirent, nos alliances scintillèrent, et nos "oui" résonnèrent comme une promesse éternelle. L'émotion était telle que mes yeux se remplirent de larmes, et sous les applaudissements chaleureux, nos lèvres se rencontrèrent.

À la sortie de l'église, une pluie de confettis nous accueillit, dessinant un tapis multicolore sous nos pieds. Les rires et les cris de joie de nos proches résonnaient, créant une mélodie de bonheur autour de nous. Chaque pas que nous faisions était accompagné d'éclats de rire, de souhaits et de bénédictions.

Anna, avec son éternelle énergie, fut la première à nous envelopper dans une étreinte chaleureuse, ses yeux pétillants de malice et d'émotion. Olivier, avec sa discrétion habituelle, nous adressa un sourire sincère, ses yeux parlant pour lui.

Nous nous sommes dirigés vers la voiture, joliment décorée de rubans et de fleurs, prête à nous emmener vers la réception. En montant à bord, il prit ma main, la serrant doucement, comme pour me rassurer et me dire que tout serait parfait.

La route vers le lieu de la réception fut un moment de calme, un instant suspendu où nous avons pu échanger, rire et rêver de notre avenir ensemble. Les paysages défilaient, mais tout ce que je voyais, c'était lui, à mes côtés, prêt à commencer cette nouvelle aventure avec moi.

13 avril 2002

Le monde semblait s'être arrêté pour célébrer notre union. Chaque battement de mon cœur résonnait comme une mélodie d'amour et d'anticipation. Crystal, ma douce, ma compagne, allait devenir ma femme.

Depuis plus d'un an, chaque détail, chaque moment avait été soigneusement planifié. Je voulais que tout soit à la hauteur de l'amour que je ressentais pour elle. L'angoisse de l'imprévu me taraudait, mais ma détermination à faire de cette journée un moment inoubliable était plus forte.

Enfilant mon costume blanc, ajustant cette cravate bleue que nous avions choisie ensemble, je me suis vu dans le miroir, prêt à m'engager, à lui dire oui pour l'éternité.

La descente des escaliers fut un moment suspendu. Les visages familiers de mes proches m'entouraient, leurs sourires chaleureux m'encourageaient. Olivier, avec sa sincérité habituelle, m'a serré la main, ses félicitations résonnant avec une authenticité qui a apaisé les dernières ombres de jalousie en moi.

À l'église, elle était là, rayonnante dans sa robe blanche, simple et élégante. Mon cœur s'est emballé à sa vue, chaque pas vers elle renforçant la certitude de notre amour. Face à l'autel, face à elle, tout semblait si clair, si évident.

Le prêtre a prononcé ses bénédictions, et le moment tant attendu est arrivé. Nos mains se sont jointes, nos voix se sont élevées, et nos "oui" ont scellé notre destin. L'émotion était palpable, et nos lèvres se sont rencontrées sous les acclamations joyeuses de tous.

La sortie de l'église fut un tourbillon de couleurs, les confettis dansant autour de nous. Nous avons pris place dans une magnifique voiture ancienne, prêts à célébrer avec tous ceux que nous aimions. La journée, tout comme notre amour, était simplement parfaite.

Juillet 2003

Les Pyrénées, avec leurs montagnes majestueuses et leurs secrets bien gardés, nous ont appelés. Nous avions tout préparé, chaque détail, chaque étape, avec cette même passion qui nous unit.

Le premier jour, la Rhune nous attendait. Nous avons pris ce petit train pittoresque qui nous a déposés à son pied. L'ascension, bien que difficile, nous a rappelé que les plus belles choses demandent des efforts. Arrivés au sommet, le panorama était à couper le souffle, une mer de montagnes à perte de vue.

Le lendemain, c'était la quête des pottoks, ces chevaux sauvages emblématiques des Pyrénées. Je m'étais imaginée les observer de loin, respectant leur espace. Mais lui, avec cette audace et cette douceur qui le caractérisent, s'est approché. J'ai retenu mon souffle en le voyant caresser un jeune poulain, sous le regard protecteur de sa mère. Comme par magie, le troupeau s'est rapproché, acceptant sa présence. Son amour pour les animaux m'a toujours touchée, et ce moment restera gravé en moi.

Nous avons poursuivi notre périple, découvrant des villages basques authentiques, où traditions et modernité cohabitent. Les saveurs locales ont éveillé nos papilles, chaque plat racontant une histoire.

Chaque soir, épuisés mais le cœur léger, nous retrouvions notre nid douillet. Cette semaine dans les Pyrénées a été un enchantement. Chaque instant partagé renforçait notre lien. Et même si l'idée de fonder une famille effleure mon esprit, je veux d'abord savourer ces moments à deux, ces aventures qui nous rapprochent encore et toujours.

Juillet 2003

Notre première escapade depuis notre voyage de noces. Les Pyrénées, avec leurs sentiers sinueux et leurs mystères, nous tendaient les bras. Tout en marchant, je ne pouvais m'empêcher d'imaginer comment cela aurait été avec une poussette. J’ai tellement envie d’avoir un enfant avec Crystal, pouvoir prolonger notre amour de façon indélébile. Un bébé, c’est quand même plus classe qu’un tatouage…

C’était dur, la Rhune. Je crois que je n’ai jamais autant souffert. Et pourtant, mon espoir de voir des pottoks m'a poussé à persévérer. C'était ma motivation, mon but. Le lendemain, alors que Crystal était encore plongée dans le sommeil, j'ai cherché le meilleur endroit pour observer ces chevaux sauvages. J'ai dû user d'une petite ruse pour modifier nos plans, prétextant une fatigue passagère, alors qu'en réalité, je voulais la surprendre.

Elle a toujours eu cette énergie débordante, cette passion pour la randonnée, là où moi, je préfère la douceur d'un moment paisible. Mais ce jour-là, la surprise en valait la peine. Un troupeau de pottoks est apparu devant nous, avec une jument et son poulain. Cette image m'a renvoyé à mon désir de paternité.

Je n’écoute pas les mises en garde de Crystal, et je m’approche d’eux comme si c’étaient des animaux familiers. La jument me regarde d’un air circonspect, mais ne réagit pas quand je commence à caresser son poulain. Attirés par la curiosité, tout le troupeau s’approche de moi, alors que Crystal reste à l’écart. Je ne suis jamais autant heureux qu’au milieu d’animaux. Je les comprends, et ils me comprennent.

31 août 2004

Je regardais les images de notre bébé sur l'écran de l'échographie, complètement émerveillée. Je n'arrivais pas à y croire. Nous allions avoir un enfant, un petit être qui porterait une partie de nous deux.

Je me suis tournée vers lui, qui avait l'air aussi heureux que moi. Je lui ai pris la main et j'ai serré fort. Je savais qu'il avait voulu cet enfant plus que tout, et j'étais contente de lui offrir ce bonheur.

Le médecin a commencé à nous montrer les différentes parties du bébé, expliquant ce que nous voyions sur l'écran. J'étais fascinée par chaque détail, chaque mouvement du petit être qui grandissait en moi.

Puis, j'ai entendu les battements de son cœur. C'était un son si puissant et si rassurant, j'ai senti les larmes me monter aux yeux. J'ai compris à ce moment-là que j'allais être mère, que je serais responsable de cet enfant pour toujours. Et pour la première fois, j'ai senti cet instinct maternel naître en moi.

Je n'ai jamais été sûre de vouloir avoir des enfants si jeune, mais à ce moment-là, je n'ai pas hésité une seconde. Je voulais être mère, pour mon bébé et pour mon mari.

31 août 2004

Elle avait son échographie à 15 h. Les pensées se bousculaient dans ma tête. Je me disais que cette échographie allait peut-être faire sauter le verrou émotionnel qui m’empêche de pleurer depuis que j’ai 12 ans. Je me disais qu’il faudrait peut-être que j’attende la naissance pour ressentir quelque chose. Je me disais que je serais peut-être en mission au Zimbabwe au moment de l’accouchement. L’échéance se rapprochait, et les pensées se succédaient de plus en plus rapidement dans mon esprit.

Puis vint le moment tant attendu et redouté à la fois. J’ai eu une analyse extrêmement consciente de ce qui s’est passé : en voyant apparaître les premières images du bébé, j’ai senti une brusque montée d’émotion. Mes “fusibles émotionnels” ont sauté. Je savais que j’avais une carapace qui me permettait de me protéger des charges émotionnelles (positives ou négatives) trop fortes. Ma psychothérapie m’avait permis d’en décortiquer les mécanismes, et de conclure que c’était un moyen de protection précieux. Mais pour la première fois de ma vie, j’ai pu réellement et consciemment constater le phénomène. Ce flot d’émotions est monté d’un coup comme une rivière en crue. Ce bouclier de protection s’est abaissé d’un coup, comme une digue, et le flot d’émotions s’est arrêté net. Je suis devenu spectateur de ma vie, me regardant regarder ces images extraordinaires sans émotion véritablement ressentie. Au fur et à mesure que les minutes passaient, le flot s’est régulé, le bouclier s’est graduellement relevé, et j’ai pu apprécier la fin de l’échographie pleinement. Quel spectacle magnifique ! Quelle émotion, de voir notre bébé sucer son pouce, ou l’entendre avoir le hoquet au moment où le médecin nous faisait écouter son cœur. On dit parfois que si on n’a pas pu résoudre les problèmes de son enfance avant d’avoir eu un enfant soi-même, il est trop tard. S’il ne fallait trouver qu’une raison (et j’en ai d’autres, objectivement…), alors je suis heureux d’être passé par cette phase nécessaire à ma reconstruction personnelle, ces deux dernières années…

Maintenant, j’ai hâte d’être papa.

Noël 2004

La veille de Noël, l'air était chargé d'une tension palpable. Nous étions chez les parents de Crystal, et je savais que ce ne serait pas un Noël ordinaire. Dès notre arrivée, j'ai senti les regards pesants et les sourires forcés. La maison était décorée avec soin, les lumières scintillantes et les guirlandes ajoutaient une touche festive, mais l'atmosphère était aussi ampoulée que le vocabulaire de mes beaux-parents.

Crystal, enceinte de sept mois, était épuisée. Sa grossesse lui donnait une lueur particulière, malgré tout, et je ne pouvais m'empêcher de la regarder avec admiration. Mais je savais aussi qu'elle ressentait la tension. Sa famille avait toujours eu cette habitude de me lancer des piques subtiles, des remarques déguisées en compliments. "Oh, tu as décidé de porter cette chemise pour Noël ? C'est... original."

Le dîner du réveillon était un exercice d'équilibre. Chaque conversation semblait être un champ miné, et je faisais de mon mieux pour éviter les sujets sensibles. Crystal, malgré son état, essayait de jouer les médiatrices, changeant de sujet quand les choses devenaient trop tendues ou lançant une blague pour détendre l'atmosphère.

Le jour de Noël, la tension était à son comble. L'ouverture des cadeaux était un moment que je redoutais. Chaque présent semblait être une occasion pour une remarque désobligeante. "Oh, tu as offert ça à Crystal ? C'est... intéressant." Je pouvais voir que Crystal était agacée par ces commentaires, même si elle essayait de ne rien montrer.

La soirée s'est terminée tôt, et alors que nous rentrions chez nous, j'ai pris la main de Crystal et je lui ai dit : "Peu importe ce qui se passe, nous sommes une équipe". Elle m'a souri, et j'ai su que, malgré tout, nous étions forts ensemble.

Noël 2004

La veille de Noël, une boule d'angoisse s'était formée dans mon estomac. Nous étions chez mes parents, et je redoutais déjà les remarques subtiles mais tranchantes qu'ils adresseraient à mon mari. La maison était magnifiquement décorée, chaque recoin brillant de mille feux, mais l'ambiance était aussi frelatée que le vin était excellent. Qu’en savais-je d’ailleurs, puisque je n’avais pas touché à une goutte d’alcool depuis que j’étais enceinte.

Mon mari, malgré tout, essayait de rester positif, de sourire, de participer aux conversations. Mais je voyais bien qu'il était touché par les piques lancées par ma famille. Et moi, enceinte de sept mois, j'étais épuisée. Épuisée par ma grossesse, épuisée par les tensions familiales, épuisée par les conseils incessants et non sollicités de ma mère sur ma grossesse, l'accouchement, l'éducation...

Le dîner du réveillon était un véritable parcours du combattant. Chaque plat servi, chaque toast porté, était une occasion pour ma famille de glisser une remarque désobligeante à l'encontre de mon mari. "Tu ne devrais pas manger ça, c'est mauvais pour le bébé", "Tu es sûre que c'est une bonne idée de prendre autant de poids pendant ta grossesse ?", "Il ne faudrait pas que tu accouches prématurément à cause du stress, tu sais". Et mon mari, toujours patient, essayait de détourner la conversation ou de répondre poliment.

Le jour de Noël, j'étais à bout. L'ouverture des cadeaux, qui aurait dû être un moment de joie, était devenue une épreuve. Chaque cadeau déballé était une nouvelle occasion pour une remarque acerbe.

En rentrant chez nous, j'ai éclaté en sanglots. Mon mari m'a prise dans ses bras, et nous avons parlé pendant des heures. Nous avons décidé que, l'année prochaine, nous fêterions Noël chez nous, en petit comité, pour protéger notre famille des ondes négatives. Et je savais que, quoi qu'il arrive, nous serions toujours là l'un pour l'autre.

03 mars 2005

L'atmosphère était lourde d'anticipation lorsque je suis entrée à l'hôpital, prête à donner naissance à notre premier enfant. Les souvenirs de ces derniers mois tourbillonnaient dans mon esprit. Mais au-dessus de tout, une impatience brûlante de voir le visage de notre bébé.

Les contractions ont commencé, chaque vague plus intense que la précédente. Mon mari, malgré les tensions passées avec ma famille, était mon roc. Il tenait fermement ma main, murmurant des mots d'encouragement, rappelant nos moments à Madère, nos rêves pour l'avenir. J'ai puisé dans sa force, me concentrant sur chaque respiration, chaque conseil que j'avais glané pendant nos cours prénataux.

Et puis, après ce qui a semblé être une éternité, le cri perçant de notre enfant a rempli la pièce. Un mélange d'épuisement, de soulagement et d'une joie pure m'a envahi. Nous avons tous deux versé des larmes de bonheur, nos yeux fixés sur ce petit garçon, un mélange parfait de nous deux.

Nous avons choisi de l'appeler Baptiste, un prénom qui résonnait avec l'histoire de notre famille. En le tenant dans mes bras, j'ai su que, malgré les défis que la vie nous réserverait, je serais toujours là pour lui, prête à le protéger et à l'aimer de tout mon cœur.

03 mars 2005

Crystal était courageuse, affrontant chaque contraction avec une force que je ne lui connaissais pas. Je tenais sa main, essayant de lui offrir tout le soutien que je pouvais, me rappelant tous nos moments depuis nos premières vacances à Madère, nos espoirs et nos rêves. Chaque fois qu'elle serrait ma main, je sentais l'intensité de sa douleur, mais aussi la force de son amour.

Les heures ont semblé s'étirer, chaque minute ressemblant à une éternité. Et puis, le moment que nous attendions est arrivé. Le cri de notre enfant a brisé le silence, remplissant la pièce d'une mélodie que je n'oublierai jamais. Un mélange d'épuisement, de soulagement et d'une joie indescriptible m'a envahi. J'ai regardé Crystal, ses yeux remplis de larmes, et j'ai su que ce moment était le plus précieux de notre vie.

Elle avait décidé que notre fils s’appellerait Baptiste. En le tenant pour la première fois, j'ai ressenti un amour et une responsabilité écrasants. Je savais que ma vie venait de changer pour toujours, et j'étais prêt à embrasser chaque instant de cette nouvelle aventure.

12 janvier 2006

Je suis assis sur le canapé, les yeux fixés sur mon fils endormi dans son berceau. Je le regarde dormir paisiblement, fasciné par cet être si petit mais déjà si important pour moi. J'ai l'impression que j'ai tout donné à Crystal et à notre bébé, mais il me manque quelque chose.

Je regarde Crystal, qui est en train de lire un livre sur le canapé en face de moi. Elle est si belle, si forte, si déterminée. Elle a été incroyable pendant la grossesse, le travail, l'accouchement, et tout ce qui a suivi. Mais je sens un vide en moi, un besoin que je n'arrive pas à combler.

Je me lève et vais vers elle, en me demandant si elle ressent la même chose que moi. Je me mets à genoux devant elle et lui prends la main. Elle lève les yeux vers moi, surprise.

"Crystal, je sais que ça fait seulement six mois que Baptiste est né, et que nous avons tous les deux été très occupés. Mais je ressens quelque chose de différent, depuis quelques temps. Tu me manques, Crystal. Je t'aime toujours autant, et je suis si heureux d'avoir un fils avec toi. Mais j'ai besoin de te sentir contre moi, de te toucher, de te caresser. Ta peau me manque, Crystal. Je suis désolé de te le dire comme ça, mais c'est la vérité. J'ai besoin de toi, Crystal. J'ai besoin de nous, tous les deux. Je t'en supplie, ne me repousse pas."

Crystal me regarde avec émotion, et je vois qu'elle comprend ce que je ressens. Elle pose son livre et se lève, en me prenant dans ses bras.

"Je suis désolée.. Je ne voulais pas te faire de peine. Je ressens la même chose que toi, tu sais. J'ai besoin de toi, de ta chaleur, de ton amour. Tu me manques aussi. Mais j'ai eu peur, peur de ne plus être la femme que tu as connue, peur de ne plus être désirable pour toi. Mais maintenant, je sais que ce n'est pas vrai. Tu es toujours l'homme que j'aime, et je suis toujours la femme que tu aimes. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas."

12 janvier 2006

Je ne peux pas ignorer la frustration qui monte en moi, chaque fois qu’il me regarde avec envie. Sa peau me manque, son souffle me manque, sa chaleur me manque. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas oublier le poids de Baptiste sur ma poitrine, les nuits sans sommeil, les jours où je suis épuisée. Je ne peux pas mettre mon bébé de côté, même pour un moment de plaisir. Je ne peux pas ignorer la culpabilité qui me ronge chaque fois que je pense à cet instant de bonheur partagé. Je suis désolée, mon amour. Je ne peux pas. Je ne peux pas.

29 juillet 2007

Notre séjour sur Hendaye devait nous permettre de recouvrer un peu de ce paisible, que le rythme de nos vies avait pris l'habitude de gober tout rond et sans vergogne. Nous étions bien décidés à faire fi de nos tracasseries respectives pour ne nous abandonner qu'à nous. Nous avions confié Baptiste à sa mère pour l'occasion, le temps de cette, nous l'espérions, douce parenthèse. Bien sûr, il nous fallut rallumer certaines mèches des plaisirs simples que l'on oublie ou ne voit plus, raviver les couleurs d'une vie à deux dont on ne se souvient plus, réanimer ces petits gestes, ces mal nommés trois fois riens, que l'on néglige si bêtement, si tristement avec le temps. Je crois pouvoir dire que nous étions heureux de ces, finalement, presque retrouvailles. Malheureusement, la plénitude retrouvée fut une fois de plus, de courte durée. Je suis encore saisie d'horreur lorsque je repense à l'hystérie et au pathétisme de la conversation téléphonique ; un service entier de fine porcelaine succomberait à la colère qui m'anime encore aujourd'hui. "Elle avait perdu les clés de la maison.", "Évidemment, qu'elle les avait cherchées !", "Ils ne pouvaient tout de même pas dormir sous un pont.", "Hors de question d'appeler un serrurier !". Eh bien voilà, nous rentrons ! Deux jours, dix-sept heures et vingt-cinq minutes de bonheur. Je n'ai jamais aimé sa mère.

11 octobre 2008

Je suis en train de perdre les eaux. Mon mari est en train de lâcher aussi, alors que je dois également m'occuper de Baptiste, qui a seulement trois ans et demi. Je sens que je suis seule, que je dois affronter cet accouchement toute seule. C'est la première fois que je me sens aussi impuissante. Les contractions sont de plus en plus fortes, je ne sais pas si je vais arriver à tenir jusqu'à ce que l'on me donne la péridurale. Je suis terrifiée, je ne veux pas que mon bébé souffre. Je ne veux pas que mon mari me voie dans cet état. Je veux qu'il me soutienne, mais je ne sais pas comment lui demander. Je suis en train de perdre les eaux, je suis en train de perdre les pédales. Je ne sais pas comment je vais arriver à tenir jusqu'à ce que Lisa naisse.

Mon mari, quant à lui, semblait perdu. Je pouvais voir la fatigue dans ses yeux, et je savais qu'il était déchiré entre son désir de m'aider et son incapacité à le faire.

Finalement, après ce qui m'a semblé être une éternité, Lisa est née. Elle était là, si petite, si fragile, et pourtant si forte. J'étais épuisée, mais le soulagement de la tenir dans mes bras était indescriptible. Cependant, malgré ce moment de bonheur, je ne pouvais m'empêcher de sentir un fossé entre mon mari et moi. Il semblait distant, comme s'il n'était pas vraiment là. J'avais besoin de lui, de son soutien, de sa présence, mais il était comme une ombre.

Les jours qui suivirent furent un tourbillon d'émotions. Entre les soins à apporter à Lisa, les besoins de Baptiste et la fatigue accumulée, je me sentais dépassée. Mon mari faisait de son mieux pour aider, mais je pouvais sentir qu'il était préoccupé par autre chose. J'avais l'impression d'être seule, de devoir tout gérer moi-même. J'espérais que les choses s'amélioreraient avec le temps, que nous retrouverions notre complicité d'avant. Mais pour l'instant, tout ce que je ressentais, c'était une profonde solitude.

11 octobre 2008

Je suis dans un état de panique total. Je ne peux pas combattre. Je ne peux pas fuir. Alors je reste figé, sans savoir quoi faire. Mon regard est fixé sur Crystal, qui a enduré tant d'épreuves pendant cette grossesse. Malgré la douleur qui déforme son visage, elle dégage une force et une beauté qui me laissent sans voix. Je suis tellement fier d'elle. Je m'approche, lui tenant la main, essayant de lui transmettre tout mon soutien.

Après avoir passé des heures à la voir souffrir, impuissant, je peux enfin souffler. Le cri de Lisa perce le silence. Un cri vibrant, puissant, annonciateur d'une nouvelle vie. L'émotion m'envahit lorsque je pose les yeux sur notre fille pour la première fois. Elle est là, si petite, si parfaite, avec ses minuscules doigts agrippant le monde.

Mais alors que ce bonheur devrait m'envahir, une douleur sourde et persistante me rappelle à la réalité. Quelque chose ne va pas en moi, une sensation que je n'arrive pas à identifier. Je ne veux pas inquiéter Crystal, pas maintenant, pas après tout ce qu'elle vient de traverser. Alors je cache ma douleur, enfouissant mes inquiétudes au plus profond de moi. Elle n’a pas eu droit à la péridurale. J’affronterai cette situation seul, moi aussi.

Je souris, malgré la tempête intérieure qui fait rage, et prends délicatement Lisa dans mes bras, cherchant du réconfort dans son innocence.

1er juin 2009

Quasiment deux mois que mon corps m’a lâché. Que je suis en arrêt maladie. Enfin, que je suis censé être en arrêt-maladie, dans la mesure où je continue, péniblement, à me concentrer suffisamment pour travailler quelques heures par jour. J’ai l’impression d’être un train qui s’est pris un mur. Je suis en lambeaux, en loques. Elle a continué sa course sans m’attendre. Parfois, j’arrive à laver le linge, mais pas l’étendre. Parfois, j’arrive à l’étendre, mais pas à faire la vaisselle. Parfois, j’arrive à faire la vaisselle, mais pas à ranger le linge. Tout est si pénible, si douloureux. Je fonctionne au ralenti. Elle ne s’en rend pas compte. Quand elle rentre le soir, elle ne s’aperçoit que de ce que je n’ai pas fait. Heureusement que ma nounou est là. “Ma” Nounou. Théoriquement, c’est la Nounou de Lisa, mais dans les faits, c’est également ma Nounou à moi en ce moment. La seule personne à qui je peux parler sans être jugé, sans avoir honte de ne plus être que l’ombre de moi-même.

03 février 2010

Je le fuis… Je fuis ses douleurs, je fuis ses urgences, je fuis ses faiblesses et sa détresse. Je suis lasse de cette ombre qu'il m'impose, à laquelle il m'oblige et me condamne. Je n'ai plus l'énergie et le temps pour l'attendre et l'entendre. De ses maudits cent pas à ses regards absents, je me perds et nous perds. Je quitte toujours plus tard le travail et m'invente mille impératifs pour échapper à cet antre sans vie, où même les silences sont devenus un vacarme de plaintes insupportables. En chemin, j'appelle souvent Olivier. Il ne sait plus où donner de la tête, ses journées sont surchargées mais il est heureux, c'est tout ce qui lui plaît. Que j'aime cette énergie, que je l'envie, qu'il me manque ! Chaque soir, lorsque j'atteins ce palier, je repousse le temps et retarde ma sentence en répétant ces gestes idiots mais que je veux de toutes mes forces, utiles et importants. Je gratte la terre du Gardénia, le coiffe et le recoiffe. J'ôte une à une les écailles de peinture du vieux volet, il faudra le repeindre en été. Souvent, je croise Marie qui s'en va. J'aime beaucoup Marie et sa présence à nos côtés est chaque jour plus essentielle. Pourtant, je l'avoue, ces plaidoiries pour le plaignant, m'agacent ! Mais que fait-il dans cette maison "sans", sinon m'attendre ? Je lui en veux tellement de nous avoir éteints et j'ai désormais le plus grand mal à taire mon exaspération de voir sans cesse son corps gémir, se lamenter et se traîner. Moi, je fais de grands gestes et de grands bruits. Je claque ces portes et ces fenêtres qui même grandes ouvertes ne laissent plus passer le moindre soupçon d'air. Tout ici semble complice de ma prison et mon geôlier est l'homme que j'aime… ou que j'aimais, je ne sais plus.

17 mars 2011

Je suis de nouveau en pleine forme, et virevolte de projets en projets. Je fourmille d'idées, je dors quatre heures par nuit. Je suis absent à ma famille, je ne prends pas soin de Baptiste (6 ans) et de Lisa (3 ans). Crystal a peur, elle ne me reconnaît plus, elle commence à douter de ses sentiments envers moi. Mes projets me prennent tout mon temps et toute mon énergie, et j'en oublie les personnes les plus importantes dans ma vie.

19 septembre 2013

"Vous savez Madame, Il est difficile de dire exactement ce qui se passe dans la tête d'une personne bipolaire, car chaque individu est différent et peut vivre l'expérience de la maladie de manière très personnelle. Cependant, en général, une personne bipolaire peut connaître des épisodes de manie (périodes de surexcitation, d'énergie excessive et d'euphorie) et des épisodes de dépression (périodes de tristesse profonde, de perte d'intérêt pour les activités quotidiennes et de pensées suicidaires). Ces épisodes peuvent varier en intensité et en durée, et peuvent avoir un impact important sur la vie personnelle et professionnelle de la personne. En outre, les personnes bipolaires peuvent également lutter contre des troubles de l'humeur et des pensées obsédantes, ce qui peut affecter leur capacité à gérer leur vie de manière efficace.

Votre mari souffre de pensées et de sentiments extrêmes, et vous avez de la chance qu’il ne soit pas instable dans ses relations et son identité. Contrairement aux personnes borderline, votre mari n’a pas de comportements impulsifs et des sautes d'humeur fréquentes. Je comprends que ces symptômes soient difficiles à vivre pour vous, mais comme votre mari a arrêté de prendre ses médicaments, je ne vois pas tellement ce que je peux faire de plus pour vous…

Franchement, vous avez de la chance de vivre avec quelqu’un qui a des pensées et des émotions extrêmement intenses et complexes. Votre mari a quand même une grande capacité d'empathie et de créativité, même si cela peut également les rendre vulnérables à l'anxiété, à la dépression et à l'épuisement émotionnel. Certes, il a des difficultés à gérer ses émotions et à se connecter avec les autres, ce qui peut l'isoler et le marginaliser parfois. Il est important pour ces personnes de recevoir un soutien adéquat afin de vivre une vie épanouie et équilibrée. Et puis bon, ce n’est pas comme s’il était autiste ou alcoolique, non plus…"

22 août 2015

Dans cet appartement lumineux, nous avions espéré trouver un renouveau. Ses vastes pièces, ses fenêtres qui s'ouvraient sur un horizon lointain, tout semblait conçu pour nous offrir un nouveau départ. Lorsque nous y avons emménagé, je me souviens de l'effervescence de son enthousiasme, comme s'il avait retrouvé une légèreté perdue. Ses mouvements virevoltants contrastaient cruellement avec la lourdeur qui m'habitait. Comment pouvait-il ressentir une telle joie alors que je me sentais si perdue ? Il m'apparaissait alors comme un roc, solide mais insaisissable.

Mais malgré la beauté de notre nouvel espace, je sentais que quelque chose entre nous s'était brisé. Cet appartement, aussi parfait soit-il, ne pouvait pas combler le vide grandissant entre nous. Chaque coin lumineux, chaque espace ouvert ne faisait que mettre en évidence les ombres de notre relation. Nous vivions dans un lieu de rêve, mais notre réalité était bien différente. La distance entre nous s'accentuait, et je me sentais impuissante face à cette dérive.

L'illusion de notre appartement parfait ne pouvait pas masquer la réalité de notre couple en train de s'effondrer.

22 août 2015

Je suis heureux, car je pense qu'elle est heureuse. Je suis heureux de la voir sourire, de la voir s'enthousiasmer pour notre nouvel appartement. Je suis heureux de pouvoir lui offrir ce qu'elle désire, de pouvoir lui offrir un nouveau départ.

Je suis heureux d'avoir planifié notre déménagement dans les moindres détails, pour que tout se passe sans accroc. Je suis heureux de pouvoir l'aider, de pouvoir lui rendre la vie plus facile. Je suis heureux de pouvoir être utile, de pouvoir être là pour elle.

Je sais que notre couple traverse une période difficile, mais je suis convaincu que cet appartement sera la solution à nos problèmes. Je suis convaincu que cet appartement nous donnera une nouvelle chance, une nouvelle opportunité de redémarrer, de nous retrouver.

Je suis heureux, car je pense qu'elle est heureuse. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la rendre heureuse, pour que notre couple puisse aller mieux. Je suis prêt à faire des efforts, à changer ce qui doit être changé pour que nous puissions être heureux ensemble. Je suis convaincu que notre amour peut survivre à cette épreuve, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le préserver.

Je suis heureux d'avoir trouvé cet appartement parfait, d'avoir pu en faire notre nouveau chez-nous. Je suis heureux de voir mes enfants courir dans les chambres, de voir leur visage s'illuminer de bonheur. Je suis heureux de voir Crystal sourire, de voir son regard s'éclairer à la vue de cet espace immense et lumineux.

Je suis heureux d'être ici, avec elle, avec nos enfants. Je suis heureux de pouvoir offrir cela à ma famille, de pouvoir leur donner un foyer chaleureux et accueillant. Je suis heureux de pouvoir être là pour eux, de pouvoir être leur phare. Même s’il y a belle lurette que je ne m’éclaire plus moi-même.

Je suis heureux, car je pense qu'elle est heureuse. Et cela me suffit.

29 novembre 2018

Elle est belle. Et bien là. Eh bien là, j’ai envie de me faire la belle. Oh non, pas dans le sens grivois du terme. Je crois que je ne la supporte plus.

17 janvier 2020

Cette nuit, j'ai rêvé que je lévitais. Ou que je l’évitais, je ne sais plus trop. Dans mon rêve, je m'enfuyais symboliquement loin d’elle. Malgré mon amour, je ne la supporte plus.

Selon la signification des rêves de lévitation, cela peut indiquer une envie de fuir les responsabilités et les obligations de la vie quotidienne, ou une volonté de se détacher des émotions et des relations qui peuvent devenir oppressantes. Dans mon cas, ce rêve reflète peut-être mon désir inconscient de m'échapper de ma situation actuelle, et de trouver un moyen de gérer mes sentiments pour Crystal de manière plus saine.

Je me souviens aussi avoir souvent fait des rêves semblables lorsque j'étais enfant. Dans ces rêves, je m'échappais de situations stressantes ou menaçantes en me soulevant dans les airs, et je volais vers des paysages paisibles et ensoleillés.

Je volais au-dessus de ma maison, puis de ma ville, en essayant de trouver un endroit où me poser et me reposer. Mais peu importe où j'allais, je sentais toujours la présence de Crystal, qui me suivait et m'appelait. Finalement, j'ai atterri dans un parc, où j'ai vu un enfant qui jouait avec un cerf-volant. Le cerf-volant était blanc et bleu, les couleurs de mon enfance, et il me rappelait les rêves que je faisais lorsque j'étais petit.

En me réveillant, j'ai réalisé que ce rêve était une sorte de régression vers mes rêves d'enfance, où je m'échappais de la réalité grâce à la lévitation. Mais cette fois, je fuyais aussi les responsabilités et les émotions de ma vie d'adulte, en particulier ma relation avec Crystal. Le fait de voir l'enfant jouer avec le cerf-volant blanc et bleu symbolisait peut-être mon désir inconscient de retourner à une époque plus simple et plus heureuse, où je n'étais pas confronté à des problèmes aussi complexes.

28 février 2021

Je suis comme un boxeur qui ne sent plus la douleur. Les coups ne me font plus rien. Ma relation avec Crystal est en train de se désagréger. Nous nous parlons à peine. Je réalise que je ne connais pas mes enfants, et que mes enfants ne me connaissent pas non plus. Nous vivons sous le même toit, mais nous sommes des étrangers l'un pour l'autre. Je ne sais pas ce qu'ils aiment, ce qu'ils détestent, ce qui les fait rire ou pleurer. Et eux ne savent rien de moi non plus. Ou trop, tant j’ai tendance à leur faire porter mes angoisses. Je suis anxiogène. A moi-même, aux autres, à l'univers. Mon anxiété est comme une ombre qui me suit partout où je vais. Elle me ronge de l'intérieur, me rendant nerveux et irritable. Elle m'empêche de profiter de la vie, de me connecter avec les autres et de vivre pleinement. Je ne sais pas comment sortir de cette spirale infernale. Je suis comme un boxeur qui ne sent plus la douleur, mais qui ne ressent plus rien d'autre non plus.

15 mars 2021

Ma décision est prise. C’est inéluctable. Je ne sais pas comment le lui annoncer. J'ai peur des conséquences, pour moi, pour lui, pour Baptiste et Lisa. Je ne veux pas lui faire de mal, mais je ne peux plus continuer ainsi. J'espère qu'en prenant cette décision, je pourrai aider mon mari à se retrouver et à retrouver la paix intérieure. Mais pour l'instant, je suis perdue.

16 mars 2021

Je pense mes mots.

16 mars 2021

Il panse ses maux.

17 mars 2021

J’ai tout fait.

17 mars 2021

J’étouffais.

18 mars 2021

Je garderai les disques, et toi l’électrophone...