Le grand voyage
Derrière les notes
Le moment est venu….
Quelques éclaircies semblent jaillir des profondeurs de l’abysse sans fond dans laquelle je m’enfonce petit à petit. Le chant de la vie, lourd de silence parait vouloir tourbillonner une dernière fois. Une dernière danse avant le grand voyage. Une nouvelle terre où les routes seront droites, les cailloux inexistants et du soleil dans le ciel. Une résurgence d’un autre moi, un autre chemin, semé de sourires et de mains tendues.
La noirceur de la nuit fait écho à ma vie. Un vide immense peuplé d’ombres malveillantes et de voix malsaines. Mais je n’ai plus peur d’elles! Non, je n’ai plus peur! Je fuis? Oui je fuis! Je fuis tout ce que j’ai été, tout ce que je n’ai pas pu être. Je fuis tous ceux qui m’ont jugé. Sentence! Et rejeté!
L’obscurité n’en finit plus, mais je suis enfin prêt. Faire semblant, voici des semaines que je fais semblant d’être celui que je ne suis pas au fond de moi, des semaines que je collectionne tantôt les vertes, tantôt les bleues, tantôt les blanches, bien cachées dans le boitier K7, ces soporifiques de la réalité viennent de m’offrir une seconde vie, celle que j’ai choisie.
Fugace éclair dans la lueur éphémère. Coup de fouet fendant l’étrange. Un visage, ou peut-être un nuage. Des traces du passé, comme une partition sans âge. Au travers des brumes qui m’enveloppent, au milieu des ténèbres qui m’engloutissent, petit à petit, ce doux visage d’antan ressurgit. Je revis nos rencontres si riches de nos échanges. Nous nous sentions à part, hors du temps. Je me savais écartelé dans mon monde, tu m’acceptais décalé dans ton monde. Peut-être que nous nous ressemblions quelque part, unis par un lien fragile, mais si vite brisé. Entre nos silences, nos regards prenaient la parole et nos rires remplissaient les espaces blancs.
Ombre noire surgie de nulle part, Elle ne m’effraie plus. Les voix! Je les sens qui approchent, elles m’appellent pour m’emmener jusqu’à mon dernier chemin.
Nos rencontres étaient ma seule joie, j’en retrouvais la force de tenir le fil de ma vie. Ces instants que je revivais dans cette cage où on m’a mis tant de fois. Nos sourires emmêlés après deux vers mal rimés et quelques notes mal pointées. Grâce à toi, je me suis cru un temps un gamin comme les autres. Un temps que tu n’as plus voulu, un temps que tu as renié. Tu semblais te complaire dans ce monde qu’on fuyait enfants. Je te sentais t’éloigner de moi, me juger sur l’autel de la différence. Je n’ai pas compris, je nous croyais invincibles, sur le même chemin…Je ne t’ai plus jamais revu… Tu as trouvé ta voie il me semble mais je ne sais plus laquelle, je n’arrive plus à penser, tout s’égare dans ma tête, tout devient labyrinthe…
Une ombre furtive apparaît, Je la laisse passer, je n’ai plus la force de la combattre. Je la sens me vider de ma vie…
A l’adolescence, seul au milieu des autres, les ombres et les voix ont eu raison de moi, elles étaient partout. Ils ont fini par m’enfermer dans une autre cage avec une petite fenêtre aux barreaux rouillés par le temps et les maux étouffés. Entre les cris de celui qui se prend pour un lion et l'autre qui croit être Elvis Presley, seul le chant des oiseaux arrivait à m'apaiser.
Un petit poste radio posé sur le chevet. Un type à la plume affinée et accordée à sa guitare chante le dernier tube à la mode, pénétrant sans détour mon cœur déjà si fragile. "Envole-moi, envole-moi, envole-moi, loin de cette fatalité qui colle à ma peau..."
Son nom m’échappe…comme ma vie…
Je sens la profondeur de mon âme fondre et m’engloutir subtilement. Je me sens si bien, si léger…Je me sens le vent qui emmène les vagues sur la plage. Je me sens le vent qui soulève la blancheur des montagnes. Je me sens le vent qui fait voler les feuilles des arbres…
Le matin suivant ne vit pas le jour, on m’a recouvert d’un drap blanc, blanc comme la paix que j’ai enfin trouvée.