Jean-Jacques Goldman : Sous influences
Essais
Face au monstre créatif qu’est Jean-Jacques Goldman, nous ne pouvons que nous demander d’où lui vient son talent. Pour ceux qui ne le connaissent pas, nous imaginons une graine d’artiste, comme bien d’autres, chanter à tue-tête sous sa douche, rêvant d’un public pour l’acclamer. Mais la réalité est toute autre, certes empreinte de puissance, mais aussi de doutes et de mystères. Oui : en parcourant les grandes étapes de sa vie comme ses détails les plus anecdotiques, il y a de quoi être surpris. Et si ce grand artiste n’était en fait pas tombé dans la musique quand il était petit ? Et si cette histoire d’amour avait, en réalité, débuté par une forme de désamour ? Et si, finalement, Jean-Jacques Goldman avait trouvé dans la musique bien plus qu’un simple art ?
Nous avons décidé de plonger dans les méandres de sa jeunesse, en quête des germes ayant façonné l’artiste qu’il est devenu.
Tout a commencé alors qu’il n’était encore qu’un enfant, et que rien ne le prédestinait à la carrière qu’il a connue…
Sommaire
Jean-Jacques Goldman, un enfant solitaire
- Une enfance complexe et singulière
- La musique, un passage obligé chez les Goldman
- La fin du violon et la découverte de la guitare
- La vocation de la musique pour JJG
Les années scoutisme, fondements de son développement artistique
- Le scoutisme, une expérience humaine et musicale
- La puissance du groupe, une découverte scoute
Les influences musicales de Jean-Jacques Goldman, au fil du temps
- La chanson anglo-saxonne et son influence sur l’artiste
- “Think” de Aretha Franklin, ou l’expérience d’un chamboulement intérieur
- La découverte de la chanson française
- Jean-Jacques Goldman, un artiste en constante adaptation
- Quelques-uns des titres favoris de Jean-Jacques Goldman
Jean-Jacques Goldman, un enfant solitaire
Une enfance complexe et singulière
Si nous devions qualifier l’enfance de Jean-Jacques Goldman, nous pourrions la dire complexe. Dans son rapport à l’autre et au monde, il ne faudra pas longtemps au jeune garçon pour se sentir différent. Il le dira d’ailleurs, en toute transparence : “Enfant, moi, j'ai eu peur de tout. L'école, les autres, tout me terrifiait. Je ne comprenais pas le monde et les règles du monde. J'ai très tôt écrit un journal pour m'aider à voir comment ça fonctionnait, les filles par exemple, comment les séduire, etc. Il y a des gens qui sont dans le monde comme des poissons dans l'eau. Ils s'éveillent en souriant. Moi, je devais réfléchir. Tout a été compliqué.” (Source 01)
Sa remarquable sensibilité, mêlée à une envie de tout décortiquer et de tout comprendre, en ont fait un enfant singulier. Ses modes de fonctionnement sont différents de ceux de ses camarades, et c’est assez naturellement qu’il se met en retrait. “Les autres étaient coiffés, ils avaient des vêtements à la mode. Nous, on était dans un monde un peu à part. J'avais des culottes courtes jusqu'à je ne sais pas quel âge… Je faisais mon violon, j'étais boy-scout, et les autres ils allaient au café… Je n'étais pas comme eux, quoi !” (Source 02)
Pour autant, il n’y a pas qu’à l’école qu’il ressent un décalage avec les autres. À la maison également, il se sent tel le vilain petit canard, avec des centres d’intérêt différents de ceux de ses parents. “J'étais dans une famille très révoltée, très militante, et moi, j'étais un peu le traître de la famille puisque je ne m'intéressais qu'à la musique et aux filles. Disons que j'étais un peu la risée de la famille dans le sens où, à table, ça parlait de Cuba. Et moi, je ne savais même pas où c'était. [...] Je leur parlais de Jimi Hendrix et je les trouvais débiles de ne pas le connaître.” (Source 03)
Si ses singularités lui ont permis de déployer ses ailes d’artiste de manière brillante, elles furent loin de lui simplifier la vie, d’un point de vue personnel. Nous pouvons même en venir à nous poser une question fondamentale : la musique fut-elle pour lui une simple aspiration, ou une forme d’exutoire face à ce monde complexe qui s’offrait à lui ?
De toute évidence, la passion semble s’être mêlée à l’émotion, pour laisser l’artiste poser ses tripes sur le papier. Il se dévoilera à ce propos, lorsqu’il évoquera sa relation avec les jeunes filles : “C'est la musique qui permet ça… Quand tu ne sais pas parler, la musique fait que tu leur parles.” (Source 04)
Cette histoire entre Jean-Jacques Goldman et la musique puise ses sources dans l’enfance, alors que rien ne laissait présager son foudroyant succès à venir.
La musique, un passage obligé chez les Goldman
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la musique n’a pas toujours été une évidence aux yeux de Jean-Jacques Goldman. Au contraire : elle lui a initialement été imposée par ses parents. Pourquoi une telle nécessité ? Eux-mêmes n’avaient pas eu la chance de jouer d’un instrument, suscitant un réel sentiment de regret. (Source 05) Ils avaient eu la sensation de passer à côté d’une grande chance, et ne souhaitaient pas qu’elle échappe à leurs enfants. Ils les ont alors placés sur ce chemin musical, pour les voir s’y épanouir.
Jean-Jacques s’en souvient d’ailleurs très bien : “J'ai commencé la musique non par conviction, mais parce que mes parents y tenaient beaucoup. Ils m'ont d'abord fait prendre des cours de piano, mais ma sœur était bien meilleure que moi. Alors, je me suis rabattu sur le violon, pour éviter les comparaisons !” (Source 06)
Le violon l’accompagnera ainsi longuement, au fil de son enfance. Il en fera une dizaine d’années, sans pour autant ressentir de réelle vocation dans ce domaine.
Paradoxalement, si les instruments étaient très présents dans le quotidien des Goldman, ils écoutaient assez peu de musique. Par-delà les chants révolutionnaires russes de son père et les titres scouts de sa mère (Source 07), ce n’est pas auprès de ses parents que le jeune Jean-Jacques a étoffé sa culture musicale.
Pour autant, les notes rythmées de la musique afro-américaine et des groupes légendaires des années 60, le feront plonger dans un univers aussi passionnant qu’inspirant.
La fin du violon et la découverte de la guitare
Peu convaincu par ses années de violon, le jeune Jean-Jacques ne ressentait pas encore cette fibre musicale que nous lui connaissons aujourd’hui. Il faudra donc attendre qu’il découvre le côté moins académique de la musique anglo-saxonne, pour tomber sous son charme.
Plus précisément, c’est à l’écoute d’Aretha Franklin que tout a basculé, qu’il a mis de côté la musique classique, et qu’il s’est acheté une guitare.
“Le déclic, le choc s'est produit grâce à la musique anglaise. C'est certain. J'ai abandonné le violon et je me suis mis à la guitare, tout seul. Je ne crois pas que le système instauré en France depuis quelques années, l'Université de la chanson, apporte une formation réellement efficace. Il suffit de regarder les chanteurs qui expriment des idées intéressantes, qui sortent des sentiers battus de la chanson française traditionnelle : ils ont tous appris sur le tas, dans la rue, dans les parkings, dans les garages, dans les lycées, dans les petits groupes, et certainement pas dans les écoles.” (Source 08)
A partir de ce plongeon, dans un univers inconnu jusqu’alors, il se passionnera pour la guitare et la musique vectrice d’émotions. Parmi les grands noms qui l’influenceront, Johnny Winter fait partie de ceux qui se sont rapidement démarqués. “Je passais ses disques à toute petite vitesse pour apprendre à reproduire ses accords et sa façon de jouer. Très maigre, très blond (il est albinos), habillé tout en noir, son look n'a rien à envier à celui de Boy George.” (Source 09)
S’il apprécie tant la musique anglophone, c’est parce qu’à la première écoute, on ne prête pas forcément attention aux paroles. Ou on ne les comprend pas. Mais on plonge dans un univers, et c’est ce qu’il trouve particulièrement attirant. C’est d’ailleurs ce qu’il essaie de reproduire dans ses propres chansons. (Source 10)
Une musique basée sur l’intuition, les émotions, et qui sort de ce qui est traditionnellement enseigné. Voici ce qu’il aime ! Il en est d’ailleurs convaincu : la plupart des génies de la musique contemporaine ne se sont pas faits d’un point de vue scolaire, mais sont des autodidactes.
“Les gens qui ont changé la musique pour nous (parce que l’on y a pensé, ce sont des discussions avec les copains !), on arrive à Chuck Berry, James Brown, McCartney, Bob Dylan pour les textes, Stevie Wonder, Jimi Hendrix pour le jeu de guitare. Ce sont tous des autodidactes. A mon avis, dans les cinq ou les six, il n'y en avait aucun qui savait lire la musique. McCartney a appris après mais je ne pense pas du tout que ce soit une nécessité.” (Source 11)
La vocation de la musique pour JJG
Jean-Jacques Goldman l’a répété à plusieurs occasions : pour lui, bien que les paroles soient importantes dans une chanson, ce ne sont pas sur elles que nous nous focalisons en premier. Tout d’abord, elle crée un climat et nous transporte dans son univers. Elle nous fait frissonner, sourire, rêver…
Pour l’artiste, c’est un vecteur d’émotions et de sensations qui vont nous accompagner et résonner différemment, selon nos affinités et les périodes que nous traversons.
“Une chanson doit d'abord procurer du plaisir, des sensations à celui qui l'écoute. Il y a un aspect sensuel, intuitif dans la musique. Le texte est second. La preuve : comme beaucoup, j'ai adoré les chansons des Beatles, de Jimmy Hendrix et de Bob Dylan, sans en comprendre, durant quinze ans, les paroles. Les chansons sont les bandes-son de la vie. Elles sont une présence qui nous accompagne dans des moments privilégiés. Je reçois parfois des lettres qui me disent aimer telle chanson, et qui demandent de quoi elles parlent ! Chacun a sa propre histoire, sa propre lecture.” (Source 12)
Une chose est sûre : pour Goldman, le ressenti prime sur le reste. Il l’a compris très rapidement, quittant d’ailleurs le groupe Taï Phong pour produire ses propres titres. Il a alors pu laisser la place au sensoriel plus qu’à la prouesse technique en elle-même. (Source 13)
Le titre “Chansons pour les pieds” illustre parfaitement l’importance que Goldman accorde aux ressentis dans la musique.
“Je crois que la première approche d'une chanson est purement sensuelle, ce n'est qu'après qu'on l'écoute vraiment. Je crois que ce sont la musique, les arrangements, la voix qui font le succès d'une chanson. Le texte, lui, assure la fidélité au chanteur : un peu la sensation de ne pas avoir été trahi, d'avoir éprouvé un plaisir "dignement". Je ne crois pas qu'une chanson à texte soit forcément chiante, ni qu'un tube soit forcément niais. Il existe des tubes à texte et des niaiseries chiantes !” (Source 14)
Les années scoutisme, fondements de son développement artistique
Le scoutisme, une expérience humaine et musicale
Alors qu’il se sentait en réel décalage avec les autres, Jean-Jacques Goldman semble avoir vécu un tournant lorsqu’il a intégré les troupes scoutes. Il a découvert de nombreuses “premières fois”, du campement à la belle étoile à la communion avec la nature, en passant par l’introspection ou encore le goût de l’aventure, muni d’une simple boussole et de ses compétences pour faire du feu.
C’est aussi dans ce cadre, alors qu’il sortait de sa zone de confort, qu’il est parvenu à mettre à mal ses peurs et à se sociabiliser un peu plus.
Grâce à ces expériences, il se sent désormais partout chez lui. Où qu’il se trouve et quoi qu’il se passe, il a acquis la certitude de pouvoir s’en sortir. Mais ce n’est pas tout ce que le scoutisme lui a apporté. En effet, c’est aussi là qu’est véritablement né son goût pour la musique !
Il se remémore ces moments avec du recul : “C’est chez les scouts aussi que j’ai commencé à jouer de la guitare, même si je faisais de la musique par ailleurs. Là que j’ai rencontré les répertoires contemporains de Graeme Allwright à Bob Dylan. J’ai même été dans la troupe scoute d’Yves Duteil…” (Source 15)
Quand on y pense, cette parenthèse n’est pas si surprenante. A travers ces quelques lignes, nous replongeant dans une époque faite de franche camaraderie et de construction humaine, nous retrouvons l’homme engagé, altruiste et désintéressé que nous connaissons si bien.
D’ailleurs, les répercussions sur sa manière de percevoir la musique sont bien visibles : “Au contraire, je la revendique [l'image du boy-scout qu'on lui accole souvent]. J'essaie de faire mes concerts un peu comme des veillées. Il est courant que des spectateurs me lancent un foulard sur scène. Je le mets à chaque fois. Devant 5 000 ou 6 000 personnes, cela ne me gêne pas.” (Source 16)
La puissance du groupe, une découverte scoute
Comme il s’en confiera dans Midi Libre, le mardi 18 juillet 2000, c’est grâce au scoutisme qu’il a découvert le chant à l’unisson. Alors qu’il était éclaireur de France, les nombreuses veillées étaient pour lui l’occasion d’entonner de jolis airs, ce qu’il n’avait pas forcément eu l’occasion de faire jusqu’alors.
Cette cohésion de groupe et cet esprit de communauté resteront d’ailleurs gravés en lui, comme en témoignera sa carrière musicale. De Taï Phong à Fredericks Goldman Jones, il aura passé entre 15 et 30 ans à chanter dans des groupes. À tel point que, même sur scène, ses musiciens prennent plaisir à l’accompagner vocalement !
“Je ne crois pas que ce soit psychologique, ou alors ça fait partie d'une analyse que je ne fais pas. J'aime le mélange des voix. Ce qui m'a donné envie de faire de la musique, c'est (...) les Beach Boys, tout ce qui est vraiment vocal.” (Source 17)
La musique est donc devenue, pour Jean-Jacques Goldman, une manière de s’exprimer par-delà la différence qu’il pouvait ressentir au milieu des autres. Alors qu’il ne savait pas forcément comment les approcher, il a trouvé dans sa guitare une manière de transcender ce décalage.
Les notes, fusant au rythme de son mediator, faisaient danser avec elles les émotions de l’artiste, ses doutes et ses valeurs.
Les influences musicales de Jean-Jacques Goldman, au fil du temps
La chanson anglo-saxonne et son influence sur l’artiste
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il aura fallu que Goldman attende d’avoir 16 ans avant de découvrir les Beatles, la musique anglo-saxonne et le blues, dans lesquels il plongea à pieds joints. Ce furent d’ailleurs les premières influences ayant réellement fait vibrer l’artiste. Il ne comprenait pas ce qui se chantait dans ces titres entraînants, mais il les vivait. Il l’exprimera d’ailleurs très bien: “Il n'est pas nécessaire de lire "Let it be" des Beatles pour ressentir une espèce de nœud dans la gorge.” (Source 18) Son émerveillement, purement lié au monde des émotions, le mènera à étendre drastiquement ses connaissances musicales. “Dans une chanson, c'est la musique qui me touche d'abord. Souvent, la compréhension du texte altère l'éventuelle bonne impression. C'est pourquoi ce sont souvent des trucs anglais que je ne comprends pas : Bryan Adams, Dire Straits, Mister Mister, Hooters, etc.” (Source 19)
Parmi les groupes et artistes mythiques de l’époque, qui marqueront au fer rouge son parcours de musicien, nous pouvons bien sûr mentionner les Rolling Stones, mais aussi Dire Straits, Foreigner, AC/DC, Tears for Fears, Chicago, les Doobie Brothers, Status Quo, Yes, Genesis et Deep Purple. D’autres noms, comme Mark Cohn, Eric Clapton, Joe Cocker, Mickaël Jackson, Paul Young ou encore Aretha Franklin, font partie de ceux qu’il a également pris plaisir à écouter.
C’est au cœur de cette révolution musicale qu’a évolué Jean-Jacques Goldman, se laissant imprégner par ces courants phénoménaux. Pour lui, Bob Dylan est l’un des mythes vivants de la musique, qui le touchera particulièrement lors de son solo dans “We are the world”. Mais il se laissera également séduire par le hard rock de AC/DC et le talent de Foreigner, sans oublier les disques de Jimi Hendrix qu’il écoutait en boucle à Londres alors qu’il était à peine âgé de 14 ans. N’oublions pas non plus Deep Purple, artiste dont il a le plus joué le répertoire. Il faut bien l’avouer : pour donner vie à sa propre identité musicale, Jean-Jacques Goldman s’est imprégné de groupes aussi talentueux que variés. (Source 20)
Mais le plus étonnant est sans doute la façon dont il s’est retrouvé confronté à ces artistes pour la première fois ! Au fil de ses aventures en Europe, la musique a catalysé les rencontres et lui a permis de découvrir de très nombreux talents, de façon fortuite.
Par exemple, c’est grâce à un parfait inconnu qu’il a entendu la voix d’Elton John !
“J’étais en vacances en Yougoslavie en 1971, je faisais du camping de pays en pays et me rendais en Grèce, quand j'ai entendu un mec jouer du blues dans la tente d'à côté. Avec ma guitare, sans le voir, j'ai joué avec lui un bon moment. Et puis, on s'est retrouvés dehors en éclatant de rire. Du coup, on est devenus copains et je suis parti avec lui dans son pays, la Suède. C'est lui qui, le premier, m'a fait connaître Elton John, alors complètement inconnu en France. Depuis, j'ai pratiquement acheté tous les albums d'Elton John.” (Source 21)
Alors oui, ses influences furent très larges. Mais comme beaucoup d’entre nous, Jean-Jacques Goldman a aussi un chanteur préféré : Bruce Hornsby. (Source 22)
“Think” de Aretha Franklin, ou l’expérience d’un chamboulement intérieur
Outre l’écoute des incontournables Beatles et des légendaires Rolling Stones, c’est un tout autre événement qui bouleversa irrémédiablement la vie de Goldman. (Source 23) Alors âgé de moins d’une quinzaine d’années, il se trouvait dans une discothèque lorsqu’il a entendu “Think” pour la première fois.
“Une chanson de ma "marraine", la femme pour laquelle je fais ce métier là, en tout cas celle qui m'en a donné envie. Je ne sais pas exactement en quelle année, c'était peut-être... enfin, en tout cas, entre 1960 et 1965, dans une boîte un jour cette musique : Aretha Franklin, "Think". Je crois qu'y a beaucoup de choses qui ont changé pour moi à ce moment-là.” (Source 24)
Son ressenti fut tel qu’il demanda au DJ le nom de cette chanson, et qu’il se précipita chez un disquaire pour acheter le vinyle.
Oui : Aretha Franklin a eu un impact majeur sur la carrière de l’artiste. Au point même qu’il admit avoir vécu comme une expérience amoureuse à l’écoute du titre “Think”, le transportant dans un univers sensoriel, physique et émotionnel transcendant la simple délectation intellectuelle.
C’est d’ailleurs suite à cet épisode de sa vie qu’il décidera d’abandonner le violon et d’acheter une guitare, pour plonger au coeur de la musique afro-américaine. (Source 25)
La découverte de la chanson française
Lorsqu’il vivait à Lille, au cours de ses années EDHEC, Jean-Jacques Goldman se souvient de l’importance qu’avait la musique dans sa vie. “Entre 1971 et 1973, j'ai fait mes études à Lille, à l'EDHEC. Dans ma chambre (toute petite sous les toits), j'avais recréé un univers dans lequel je me sentais à l'aise. Au mur, les posters de mes idoles, Jimi Hendrix et le groupe Chicago, une queue de renard porte-bonheur, beaucoup de fouillis et bien sûr, dans un coin, ma guitare !” (Source 26)
Depuis un certain temps, Goldman ressentait une attraction presque magnétique pour la musique anglo-saxonne, qui sonnait bien. Alors que des pointures françaises avaient conquis les cœurs, à l’image de Jacques Brel, Georges Brassens ou Charles Trénet, JJG n’y semblait pas particulièrement sensible. De même, il affirme sans détour qu’il n’aime pas la musique classique. (Source 27)
Pourtant, lors de ses études supérieures, il découvrit la musique française sous un autre jour. La cause de cette illumination ? Un concert lillois, au cours duquel Léo Ferré chamboula totalement son état d’esprit. A l’origine, il se rendait uniquement à la première partie, proposée par le groupe Zoo. Léo Ferré n’arrivait qu’ensuite. Jean-Jacques n’avait pas prévu d’y rester, mais il avait payé sa place, et la salle était chauffée. Il s’est donc laissé porter. Et là, ce fut une révélation. Il fut impressionné et prit une claque, comme il en témoignera lui-même. (Source 28) Sa certitude, selon laquelle la qualité était exclusivement réservée aux groupes anglo-saxons, s’effondra à ce moment précis. (Source 29) Et il saisit à quel point les possibilités étaient vastes, même dans la langue de Molière.
Cette découverte fut la première d’une longue série, qui influença l’histoire musicale de Goldman. Après Léo Ferré, il se laissa conquérir par Michel Berger, Michel Polnareff ou encore Robert Charlebois, grâce à qui il réalisa qu’il pouvait apprécier sa musique favorite, en français également. (Source 30)
Il reviendra d’ailleurs à plusieurs reprises sur l’influence qu’aura eue Michel Berger sur sa façon d’apprécier la musique : “Je peux te dire que Berger, c'est la personne qui m'a le plus inspiré (...), que j'ai le plus écoutée en français, qui m'a donné envie même de faire de la musique en français. En France, je crois que musicalement, comme au niveau des textes, c'est la personne la plus intéressante pour moi.” (Source 31)
Il affirme d’ailleurs que ce chanteur a révolutionné en profondeur la chanson française, permettant de faire la transition entre la tradition des textes et la modernité de la musique actuelle. Parmi ses titres majeurs, "Seras-tu là" est sans doute celui que Goldman aurait aimé avoir créé. (Source 32)
Jean-Jacques Goldman, un artiste en constante adaptation
Si Jean-Jacques Goldman apparaît comme un artiste indémodable, c’est parce qu’il ne se repose pas sur ses certitudes. Il s’ouvre au changement, ce qui l’a d’ailleurs mené à quitter le groupe Taï Phong. Ses remises en question, tout comme son travail acharné, lui permettent de s’adapter aux attentes de son public, pour le toucher en plein cœur.
À la question de savoir s’il a changé, la réponse est sans appel : “Bien sûr, j'ai changé. Ne fût-ce que parce qu'aujourd'hui j'écris en français. J'ai raccourci mes morceaux aussi. Mais je crois que c'est une évolution que tout le monde dans la musique a ressentie. Je ne pense pas être quelqu'un de très original ou de très précurseur. Je ne veux pas me comparer à eux, mais des groupes comme Yes ou Genesis ont aussi évolué. Ils sont arrivés à une musique plus directe, plus courte, plus populaire. Moins de nombrilisme technique. J'ai suivi un peu le même genre d'évolution que ces gens qui restent nos modèles.” (Source 33)
Une fois de plus, nous ne pouvons qu’admirer ce grand homme qui, en dépit de ses succès planétaires avec "Il suffira d’un signe" en 1981, "Envole-moi" en 1984 ou encore "Je te donne" en 1985, continue de s’appuyer sur ceux qu’ils considère comme étant des piliers de l’univers musical.
Cet artiste de légende, dont il semble complexe d’analyser le terreau créatif, s’est déjà exprimé au sujet de ceux qui ont le plus impacté son style musical.
Il dira notamment : “Moi-même, j'ai été archi-imitateur de gens comme Michel Berger ou John Fogerty. Il n'y a pas une chanson de mes débuts qui n'ait pas une référence. Sans doute est-ce pour ça que je n'ai jamais l'impression que c'est moi qu'on imite.” (Source 34)
En ce qui concerne ses influences, comme nous l’avons déjà abordé, les courants l’ayant impacté furent divers et marqués par son temps.
“Je me sens comme un bateau secoué par de multiples influences. Ma voile est sensible à tous les vents. J'écoute beaucoup, et j'évolue en fonction des tendances. Mais certains mouvements m'ont plus particulièrement marqué : la musique des années 70, de Deep Purple à John Mayall ou aux Doobie Brothers.” (Source 35)
Quelques-uns des titres favoris de Jean-Jacques Goldman
Comprendre Jean-Jacques Goldman et son style musical implique de s’imprégner de son univers. Et si nous partions en quête de quelques titres faisant partie de ses favoris, parmi les artistes anglophones comme francophones ? (Sources 36, 37)
"Think" de Aretha Franklin. Nous l’avons déjà mentionné, mais ce titre fut celui qui bouleversa le plus sa vie musicale ! "Let the sunshine in", de la comédie musicale Hair, entraînante et réveillant de très bons souvenirs chez lui ; "Bohemian Rhapsody" de Queen, un incontournable grandiloquent ; "You Gotta be", de Des’Ree, avec son ambiance si particulière ; "Bette Davis Eyes" de Kim Karnes, un tube absolu et parfait équilibrant à la perfection les voix et les arrangements, pour aboutir à un résultat dont on ne se lasse pas ! "One of Us" de Joan Osborne, un indémodable capable de faire vibrer, même quinze ans après ; "Moonlight Shadow" de Mike Oldfield, une chanson pleine de fraîcheur, qu’on prend toujours autant de plaisir à écouter après mille fois ; "Let It Be" des Beatles, un titre qui prend aux tripes, tout simplement ; "Tears In Heaven", un indémodable du grand Eric Clapton…
Nous ne pouvons bien évidemment pas restreindre le panel de chansons appréciées par Goldman à ces quelques titres, tant sa culture musicale est vaste et éclectique ! C’est d’ailleurs ce qui lui a permis de construire son succès, et ce monde de mélodies que nous aimons tant.
Si nous ne devions retenir que quelques mots quant à ses inspirations et motivations, nous pourrions dire que la chanson est pour lui un vecteur de partage, suscitant des émotions et nous accompagnant pour un bout de chemin. Bienveillance, rythme, profondeur : avec ces quelques ingrédients, qu’il a notamment puisés dans le scoutisme, dans ses valeurs familiales et dans la musique anglo-saxonne, il parvient aujourd’hui encore à créer des univers sensoriels qui nous font danser et chanter avec joie !
Sources :
- Goldman : "J'ai besoin de prévoir le pire" (Télémoustique, 25 juin 2003)
- Fréquenstar (M6, 5 décembre 1993)
- (Le Soir Illustré, 18 mai 1994
- Fréquenstar (M6, 5 décembre 1993)
- L’interview (M6 Music, 2001)
- "Mon enfance" par Jean-Jacques Goldman (OK Magazine, 1983)
- L'énigme Goldman (Télérama, 4-10 juin 1988)
- Goldman : “Je me donne” (Les Enfants du Rock, 24 avril 1986)
- JJG à travers ses disques préférés (OK Magazine, 1985)
- Jean-Jacques Goldman ne viendra jamais au Printemps de Bourges (Berry Républicain, 1984)
- L’interview (M6 Music, décembre 2001)
- Cœur de rocker (La vie n°2878, du 26 octobre au 1er novembre 2000)
- Positif et… non homologué (Paroles et Musique n°55, décembre 1985)
- L'énigme Goldman (Télérama, 4-10 juin 1988)
- Jean-Jacques Goldman : "J’y ai appris l’altruisme, le désintéressement" (La Vie n°3225, 21 juin 2007)
- Cœur de rocker (La vie n°2878, du 26 octobre au 1er novembre 2000)
- Grand Format (RTL, 29 juillet 1991)
- Positif et… non homologué (Paroles et Musique n°55, décembre 1985)
- L'énigme Goldman (Télérama, 4-10 juin 1988)
- JJG à travers ses disques préférés (OK Magazine, 1985)
- JJG à travers ses disques préférés (OK Magazine, 1985)
- (Salut Magazine, 8-15 décembre 1990)
- Grand Format (RTL, 29 juillet 1991)
- DjayDjay D.J. ! (Radio Scoop, 5 octobre 1997)
- JJG à travers ses disques préférés (OK Magazine, 1985)
- Mon enfance par Jean-Jacques Goldman (OK Magazine, 1983)
- Grand Format (RTL, 29 juillet 1991)
- Entretien avec Olivier Bras (Master-class SACEM, 11 mars 2014)
- JJG à travers ses disques préférés (OK Magazine, 1985)
- Génération Laser (RTL, 15-19 novembre 1991)
- (Cool n°25, janvier 1987)
- JJG à travers ses disques préférés (OK Magazine, 1985)
- Jean-Jacques Goldman, choisir ses insolences (Swing, 1986)
- Trop vieux pour la télé ? (La Meuse, 6 décembre 2001)
- Goldman au pied du rêve (Journal de Lausanne, 3 mars 1984)
- DjayDjay D.J. ! (Radio Scoop, 5 octobre 1997)
- JJG à travers ses disques préférés (OK Magazine, 1985)