Un jour, un destin : une réussite
Essais
Je dois vous avouer quelque chose : j'adore "Un jour, un destin", et j'adore le style narratif de Laurent Delahousse. J'étais donc relativement confiant que ce documentaire serait une réussite.
Le choix des intervenants est judicieux. On peut cependant regretter l'absence de certaines personnes emblématiques, comme Thierry Suc, Jacky Mascarel, Monique Le Marcis, Céline Dion ou Patrick Fiori. Et de proches qui n'auraient de toute façon pas accepté de témoigner, comme Paul F., Claude C., Claude G., Benny, Alexis, ou Robert. Imaginer la présence de Jean-Jacques lui-même était bien évidemment inconcevable.
Le montage de Dorothée Creel est intelligent, les images rares et inédites sont bienveillantes. Clairement pas un documentaire à charge comme ceux que nous avons pu subir par le passé.
Avec un tel objectif hagyographique, "Un jour, un destin" se déroule spontanément, inexorablement, évitant les écueils du sensationnalisme et des révélations tapageuses. Le fil conducteur est avant tout biographique, de l'enfance à la sortie de "En passant", puis à son retrait des Enfoirés et du vide que Jean-Jacques Goldman a laissé depuis près de vingt ans déjà.
Les anecdotes sont nombreuses, savoureuses, et pour la plupart inédites : Christophe Deschamps explique comment JJG est ouvert à la discussion à travers la suggestion qu'il a faite pour le refrain de "Quand la musique est bonne" ; Roland Romanelli se souvient de leur rencontre ("Je veux ça, en mieux") et joue la fameuse intro de "Encore un matin", déjà présente sur la maquette ; Lili Boisjean, son attachée de presse, révèle que si elle avait arrêté de fumer, c'est bien elle qui est évoquée dans "Elle a fait un bébé toute seule" ; Jean-Pierre Janiaud, l'ingénieur du son de Jean-Jacques Goldman depuis "Sad passion" (1979), témoigne ainsi pour la première fois.
Les différents intervenants (Jean Bender, son ami d'enfance, qui sort un livre de témoignages dans quelques semaines ; Khanh Mai ; Lili Boisjean ; Christophe Deschamps ; Christophe Nègre ; Michael Jones ; Jean Mareska, le producteur de Taï Phong et des trois premiers 45 T solo de Jean-Jacques Goldman ; Marc Toesca ; Maxime Le Forestier ; Liane Foly ; Anne-Marie Battailler ; Jean-Pierre Descombes ; Jean-Michel Vaguelsy, le secrétaire de Coluche ; Marc Lumbroso ; Erick Benzi ; Roland Romanelli) apportent un éclairage complémentaire, concordant et bienvenu concernant leur relation personnelle et professionnelle avec Jean-Jacques Goldman.
Cerise sur le gâteau : Erick Benzi nous fait écouter des maquettes et des versions de travail ("Rouge", "A nos actes manqués", "Pour que tu m'aimes encore", interprétée par Jean-Jacques Goldman avec la tonalité de Céline Dion) et la "voix du matin" de Jean-Jacques Goldman sur "En passant".
Jean Bender, quant à lui, nous fait découvrir "Étrange symphonie" (maquette de 1979 qui deviendra, huit ans plus tard, "Il changeait la vie" et interprète à la guitare deux titres inédits, "Mytho woman" et "J'm'en irai". Ces deux titres, d'ailleurs, n'auraient pas dépareillé sur un album de Cédric Atlan ou de Mickaël Miro.
Ce documentaire, consacré au "fils de la chanson française et du rock n' roll", comme le définit Michel Drucker lors de son premier passage à Champs-Élysées, réalise presque un sans faute.
Dès l'ouverture cependant, il est indiqué que JJG a écrit "108 chansons" en tant qu' "auteur-compositeur-interprète", alors qu'en réalité, Jean-Jacques Goldman a écrit, composé et interprété 118 chansons en français sous son nom, et 12 chansons en anglais, au sein de Taï Phong, ou sous un pseudonyme (Sweet Memories, First Prayer). Sa carrière d'auteur-compositeur, par ailleurs (178 titres pour 62 interprètes !) est tout juste effleurée à travers deux anecdotes concernant Céline Dion.
Si le documentaire est daté de mars 2020, la carrière de Jean-Jacques Goldman semble s'arrêter avec la sortie de "En passant" en 1997, alors que "Chansons pour les pieds" (2001) et la tournée qui suivit méritaient clairement que l'on s'y attardât.
Certes, la polémique autour de "Toute la vie" (2015) est évoquée, mais pas la réponse de Jean-Jacques Goldman, pleine d'ironie et d'autodérision, sur "Quotidien".
Christophe Deschamps, à travers ses rêves évanescents de répétitions d'une nouvelle tournée, est notre porte parole à tous. Le 黃粱一夢 cher à Shen Jiji ?
Rétrospectivement, les paroles de "J'm'en irai", titre inédit de 1979 chanté à la guitare par Jean Bender, résonnent douloureusement, telle une prophétie qui s'est accomplie en 2002 :
J'm'en irai sans même un regard J'm'en irai, j'ai pas de message J'm'en irai sans même un au revoir J'm'en irai, je suis de passage